Dans ses confessions intimes, le lâche qui s'assume dit rêver de se voir à la tête d'une manifestation de rue en la regardant du haut de son balcon. Eux, n'en rêvent peut-être même pas mais y appellent avec une étonnante régularité, une détermination à toute épreuve et parfois une culottée véhémence envers ceux qui ne sont pas assez offensifs à leur goût. Ceux qui expriment leurs idées dans la sérénité que requiert l'expression à visage découvert et l'action publique organisée. Dans le courageux anonymat que leur permettent les réseaux sociaux, ils sont les indignés de tout et de rien, les porteurs d'allumettes pour des brasiers fantasmatiques et les révolutionnaires sans nom ni projet. Ils squattent et hantent la toile avec des noms d'emprunt que se partagent la mauvaise fantaisie et l'écœurante prétention. Ils ont un avis sur tout, vous disent même ce qu'il faut dire et faire et quand vous avez la gentillesse de tolérer leur voile pour accepter de débattre avec un fantôme, ils en profitent… pour abuser. Et vous culpabilisent d'être si tièdes, eux, les intrépides cavaliers cachés. Ils insultent là où vous êtes critiques, ils jugent là où vous essayez de comprendre et fulminent là où vous envisagez de débattre. Ils ont la culture Wikipédia, la stratégie du pire, l'analyse du «tous pourris» et le scénario de l'Apocalypse. Quand ils deviennent lassants dans leurs pseudos, ils disparaissent un temps pour réapparaître avec un autre mais seuls changent les oripeaux, les apocryphes de la Toile restent les mêmes. Internet est l'une des plus merveilleuses inventions de l'histoire de l'Humanité et les réseaux sociaux un espace d'expression qui soulage la parole des exclus, révèle les talents cachés et entretient quelques rêves en folie. Les « anonymes » sans vergogne sans convictions et souvent sans talent en en font une estrade pour infâmes véhémences. Incapables cliniques d'un coup de cœur, ils sont le nombril sans le ventre d'un corps désintégré. Ils se cachent derrière des noms à dormir dehors, des clichés de starlettes sans grinta ou des formules usées jusqu'à la corde. Ils ont l'anonymat comme armes de combat qu'ils n'ont ni le courage ni l'envie de livrer dans la vraie vie. Et pour cause, ils ne peuvent même pas en parler à visage découvert. Plus ils sont loin et introuvables, plus ils sont enflammés. Dans une si confortable posture, ils ne vont pas se gêner. Alors ils foncent, la tête sans visage en avant. Dans les querelles de clochers, dans l'aplaventrisme, dans l'invective ou la délation. Toujours avec la témérité des planqués. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.