Dans les années quarante, les familles se réunissaient autour du tourne-disque à manivelle (ghennaya) alors que d'autres avaient déjà acquis le gramophone électrique. A cette époque, les chanteurs arabes et juifs s'étaient donné le mot pour se mettre à la chanson moderne. C'est ainsi que des chanteurs tels Badreddine Bouroubi, Abderrahmane Aziz, Lili Boniche, Salim H'lali, Lili Labassi et tant d'autres ont dominé la scène artistique. Si après l'indépendance, on continuait à écouter les succès d'autrefois tels que El Aïn Ezzerga enregistrée sur 78 tours par Latifa, l'arrivée de nouveaux chanteurs allait tout bousculer. Epaulés par des paroliers et compositeurs tels que Hachlaf, Mahboub Bati et Missoum, de jeunes chanteurs feront fureur pendant les deux premières années de l'indépendance. Les Blidéens Rabah Driassa et Seloua prennent vite place sur le podium pour ne plus en descendre, si ce n'est la marginalisation imposée par les programmateurs médiocres du début des années quatre-vingts. Le chanteur et miniaturiste Driassa (il a dessiné le premier tableau vendu aux enchères après le cessez-le-feu) qui avait débuté par la chanson saharienne comme Khelifi Ahmed se mit vite à moderniser ce style avant d'opter carrément pour la variété. Après Hizb Ethouar, reprise par tous les algériens en juillet 1962, le chanteur ne cessera jamais d'offrir à ses fans de belles paroles et de belles musiques. Marié à une poétesse, il profitera de ses paroles avant qu'il ne se mette lui-même à écrire. Tous les amateurs de football se souviennent de Atilou Ezzalamit que diffusait la radio, notamment dans l'émission «Ma Yetloubouhou El Moustamiôune» que présentait le père des animateurs Djamel Khouidmi. Les succès se succéderont pendant une vingtaine d'années. Les nostalgiques fredonnent toujours Ya Teffaha, Douri Douri Ya Saâ et Djabouha El Bakalaourya que seuls les recalés au bac n'aimaient pas. Mohamed Lamari avait déjà imposé son nom avec Ma N'sitchi et Dhelmouk. Il continuera sur sa lancée pour battre tous les records avec Ah Ya Qelbi. La même époque avait connu de grands artistes comme Mahieddine Bentir qui chantera Tcha Tcha Tcha, Scooter et se classera deuxième à l'Eurovision 1966 avec Ya Lbakya. Bentir, qui est également peintre décorateur et auteur du premier logo de la RTA est remonté sur scène récemment au théâtre de verdure pour montrer qu'il est toujours en forme. Le chanteur de chaâbi Hachemi Guerouabi a aussi fait partie de cette vague en acceptant de jouer la carte de Mahboub Bati qui a fait de lui une grande star avec El Barah, Megouani Sahrane etc. Qui se souvient de Rabha... Rabha, qui a mis fin à sa carrière d'artiste depuis longtemps, avait réussi à avoir une place au hit parade en enregistrant Qelbi Yaâmel Doum Doum. Avant elle, Fattouma, la grande actrice, passait tout le temps à la radio grâce à ses tubes Rani Khayfa et Ya oulidet El Houma. L'épouse du compositeur Kamel Hammadi, Nora, a eu aussi ses jours de gloire en chantant Ya Teyara Tiri Bya, Ya Ryadhi, Bent Erroumya. Il est à signaler aussi que Nora a chanté en kabyle et a tenté une expérience en français avec Paris dans mon sac. Sami El Djazairi avait brûlé les étapes en s'adressant à un public jeune comme lui. Ayant une très belle voix et innovateur, il avait osé reprendre certains succès européens tel que Darla Dirladada. Parti en France, il avait vite conquis le public de l'émigration. Ayant débuté par une carrière dans le hawzi, Nadia Benyoucef a également profité des conseils de l'innovateur Mahboub Bati. Le duo El Waldine avec Chaou restera dans l'histoire de même que la chanson Ya Lemima dont les paroles sont de Driassa et la musique de Mohamed Iguerbouchene. On avait vu en parallèle l'émergence de jeunes talents tels que Rahal Zoubir, Mohamed Rochdi, Hanane. Mohamed Mazouni (à ne pas confondre avec le maître de l'andalou) qui avait commencé par Mchit Nekhetbek qu'on écoutait dans toutes les maisons avait été présent mais il était tombé dans la facilité en chantant des paroles de bas niveau. A Oran, c'est Ahmed Saber qui dominait la chanson moderne avec un style bien particulier et des paroles qui étaient interdites à la radio à cause de ses critiques et parfois des expressions très osées. Il faut noter que dans les années 1970-80, la chanson kabyle a eu sa belle période avec Noureddine Chennoud, les Abranis, Idir etc.