Le Ramadhan est arrivé et comme chaque année, tout le monde pense aux soirées familiales ou musicales Mis à part les chaines de télévision, on sait que les organismes chargés de l'animation tentent de faire des efforts pour nous offrir un bon programme mais certaines bonnes habitudes et un certain charme ont disparu. Autrefois, les soirées de Ramadhan étaient animées au niveau des mosquées, des mausolées, des zaouias et des cafés. Si au niveau des mosquées et des zaouïas, on optait pour les qacaïd (chants) religieux, les cafés et les salles ont toujours accueilli des chanteurs et des musiciens pour animer les soirées, au début du siècle dernier, au moment où on passait des soirées en écoutant les chants religieux à Sidi Abderrahmane à Alger, certains cafés étaient animés par de grands chanteurs de chaâbi. En 1930, alors qu'elle était toute jeune, Fadhila Dziria avait chanté en kabyle et en arabe au café des Sports, près de Djamaâ Ketchaoua, qui appartenait à Hadj Omar. Ce café célèbre qui est en ruine depuis quelques années avait accueilli de très grands chanteurs tels que Hadj M'rizek, Hadj M'neouer ainsi que des stars tunisiennes. Des chanteurs comme M' khilef Bouchaâra, Saci, El-Anka et Hadj M'neouer ont aussi fait les beaux jours de T'bernet Ellouh qui se trouvait près de Hebs El Qtett au niveau de l'amirauté d'Alger. La pianiste juive Titine El âmia (elle était aveugle) était également une habituée de Tbernett Ellouh. Lili Labassi, le père de Robert Castel, qui possédait un café dit Tbernet El Abassi à la rue Vialar, animait lui-même les soirées de Ramadhan et se faisait parfois remplacer par d'autres chanteurs notamment des juifs tels que Lili Boniche. Ce dernier qui était parmi les meilleurs chanteurs de hawzi et de moderne chantait également dans d'autres cafés comme Tbernet Essaci à la rue de Lyre où se produisaient aussi Saci, M'khilef Bouchaâra et le chanteur de chaâbi Derar. Qhiwdji, le demi- frère de Hadj M'rizek et du comédien Rouiched, qui a aidé beaucoup de chanteurs à leurs débuts, notamment El Anka et Hadj M'neouer, participait aux soirées données au café Malakoff qui accueillait également Cheikh Saïd Laouer et Mekaouni. Comme Alger, Blida a aussi été de tout temps une ville animée pendant le Ramadhan. Au Nadi qui se trouvait près de la célèbre Place Ettout, le grand maître de l'andalou Mahmoud Ould Sidi Saïd dit Qelb Eddelaâ (pour sa beauté), animait les soirées musicales de ce cercle aux côtés de Djelloul El Meddah et Mohamed Oulid El Mehdi. Plus tard, c'était les grands chanteurs Dahmane Ben Achour et Hadj Mahfoudh qui étaient invités pour animer les soirées ramadhanesques du café de Mahieddine dit Salhi. Au même moment, des meddahine chantaient à Qahouet El Ghar. Soirées chez les coiffeurs A Médéa, le café de Berramoul ne désemplissait jamais et l'ambiance était à la fête surtout lorsque des chanteurs tels que Cheikh Larbi Bensari et son fils Redhouane qui venaient de Tlemcen étaient à l'affiche. Mohamed El Kourd, Dris El Achouri et Cheikh M' hammed El Qolli étaient aussi des habitués de Blasset El Djininar (place du général) où se trouve la maison du Bey, appelée Dar El Emir Abdelkader puisqu'il y a résidé et transformée en musée depuis. Avant 1935, la chanteuse tunisienne Habiba Massika a également eu l'occasion de séduire le public de Médéa. Chaque Ramadhan, l'occasion est donnée aux chanteurs professionnels et amateurs de se produire. Dans les années 1970, Hadj M'hammed El Anka animait lui-même le café de la JSEB à El Biar. D'autres chanteurs animaient les clubs sportifs. Les coiffeurs dont la plupart sont des amateurs de musique invitaient pour leur part leurs amis pour passer des soirées musicales dans leurs salons. L'animation artistique a beaucoup diminué ces dernières décennies au niveau des cafés, mais certains nostalgiques tiennent aux bonnes habitudes. C'est le cas de certains amateurs de chaâbi qui continuent à perpétuer la tradition en organisant des soirées chez eux ou dans des salles.