Tirant sa substance de la poésie de saint John perse, Boudjedra prend le chemin du désert algérien pour écrire cinq fragments du désert, un livre édité chez Barzakh. Tout l'univers devient ici insolite, inquiétant, où l'auteur paraît éprouver la hantise d'une présence qu'il ne pourrait saisir. Entre l'apparence et l'essence, et la tension qui anime cette œuvre, l'appel par-dessus ce vide : le désir de transcender : «Ici dans ce Sahara se fixe la sauvagerie du monde et sa prodigieuse capacité à donner aux hommes de l'exaltation, de la dérision et le sens de la mort, de la folie, du sens divin. Aussi !!!» Ici, les mots coulent comme du sable entre les doigts. Le désert devient un jardin magique où les couleurs obéissant au reflet du soleil. Dans ce silence de la terre, il y a ‘'une vie qui donne une envie poétique du monde''. Des voix suspendues dans les mirages de la vie Les oiseaux venus d'un autre monde se mêlent au décor. Oiseaux magiques, mythologiques, au coloriage indescriptible. Mais l'auteur prend cet élan pour accrocher le vol de cette espèce qui résiste à la chaleur et aux vents. La vie est ici décrite avec des mots qui expriment une fièvre minérale. Les nuits de la solitude et l'errance. les couleurs sous le soleil sont insaisissables, allant du vert, ocre, bleu, rose, safran au jaune. Cinq fragments du désert se présente comme une œuvre picturale, un livre qui jaillit de l'intérieur et qui exprime tout ce qui ressent une âme bercée par la beauté de la nature et blessée par les stigmates des voix suspendues dans les mirages de la vie : Adonis, El Halladj et Lorand Gaspar trottent dans l'esprit du poète qui s'adonne avec ivresse à ce voyage. Au cœur du Sahara, le Hoggar et puis Tin Hinane veillent. Il y a aussi Ahl Ellil (les gens de la nuit), qui par leur chant incitent à la transe. Cinq fragments du désert, un périple extatique qui exhorte au rêve, se situe entre l'intemporel et le temporel, la folie et la sagesse, mais surtout la folie de dire. En alchimiste des mots, Boudjedra nous conte le désert dans une spirale bouleversante faite de refrains modulés aux rythmes du temps. Rachid Boujedra est né en 1941 à Aïn-Beida, il a enseigné la philosophie jusqu'en 1972 avant de se consacrer entièrement à la littérature. Il compte plus d'une vingtaine d'ouvrages, dans les registres essai, poésie, théâtre, roman. Il a été traduit en 26 langues.