I l est tellement insupportable de se retrouver dans l'obligation de dérouler le tapis rouge à l'émir du Qatar et, avant lui, à d'autres dignitaires d'Arabie Saoudite et des Emirats qui nous vouent, objectivement, une cordiale inimitié. L'Algérie, dont les pipelines du pétrole demeurent son unique tube digestif, est, hélas, bien obligée de sourire, de déployer le faste et de dépêcher ses diplomates et experts pour convaincre «ses frères» arabes et musulmans de faire le geste qui sauve… Pitoyable est notre position de devoir supplier presque ces pétromonarchies arrogantes de ne pas abuser de leurs quotas de production pour stimuler un peu les cours du pétrole. Il serait superfétatoire de revenir ici sur le péché originel qui a fait de l'Algérie un pays addict aux hydrocarbures. Le constat est connu, les responsables aussi. Mais aujourd'hui, à Vienne, se jouera une valse à plusieurs temps. On pensait, naïvement, que «l'Accord historique d'Alger», servirait de prélude à l'orchestre de l'Opep qui allait jouer sur un ton monocorde dans la capitale autrichienne. Mais au fil des jours, le ton monte puis descend puis remontre et redescend, au gré des humeurs des chouyoukh enturbannés du Golfe produisant une mystérieuse symphonie qui crève les tympans. On doit bien se rendre compte que «l'Accord historique d'Alger» et autres formules ronflantes n'étaient qu'un discours soporifique destiné à titiller notre égo à fleur de peau. Aussitôt rentrés chez eux, nos «frères» bien aimés, ont oublié le répertoire sémantique dont ils ont usé et abusé pour décrire une réunion informelle revêtue du sceau décisif. Les Saoudiens, et à un degré moindre les Qataris et les émiratis, chantent désormais un autre air pas très algérien… Il n'est pas du tout acquis que ces gros bras de l'Opep puissent condescendre à revenir à de meilleurs sentiments. A l'heure où nous écrivions ces lignes, les échos en provenance de Vienne sont plutôt pessimistes sur la possibilité d'aboutir à un accord qui satisfasse les producteurs fragiles comme l'Algérie. Les Al Saoud qui n'ont aucun argument «énergétique» à faire valoir pour défendre le maintien de leur quota, n'ont pas hésité à convoquer la géopolitique pour jouer les trouble-fêtes. Eh oui, le fantôme de l'Iran est brandi pour justifier le refus de faire un effort. Pourtant, à Alger, Riyad a bien accepté le principe du maintien des quotas de production de ce pays, de la Libye, de l'Irak et du Nigeria en raison de leurs problèmes internes. Mais il ne fallait pas prendre pour argent comptant les engagements des Al Saoud. Leur promesses n'engagent que ceux qui les croient. Pour eux, la frontière est ténue entre le pétrole et la religion. La perspective d'autoriser l'Iran et l'Irak de garder leurs quotas inchangés, équivaut nécessairement à laisser une longueur d'avance au… chiisme. Et tant pis si l'Algérie devient finalement une victime collatérale de cette guerre de position et d'influence entre le wahhabisme et le chiisme ! Tel n'était pourtant pas la position initiale de Riyad à Alger. L'Algérie a eu la naïveté de croire sur parole les professions de foi de ces monarques dont les postions sont à géométrie variable. Que l'on se rappelle : quelques jours après l'accueil royal réservé au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, à Riyad, l'Arabie Saoudite fit un virage à 180° à Malabo, en Guinée-équatoriale, avec ses sœurs jumelles du Golfe, en se retirant du Sommet afro-arabe pour protester contre la présence de la Rasd et faire plaisir au Maroc ! Quand on est capable du mauvais, on est forcément capable du pire. Vienne à tout l'air de résonner la discorde.