Des écrivains chez Charlot est le titre d'un essai de 268 pages conçu sous la direction de Guy Ducas, et édité par El Kalima et Domens. Cet ouvrage retrace l'itinéraire de l'un des rares libraires et éditeurs durant la période coloniale française qui mettra sa maison d'édition comme un fer de lance pour faire entendre la voix des écrivains d'Algérie, à leur tête Albert Camus. Ce libraire et éditeur a manifestement joué un rôle prépondérant dans la promotion des écrivains, notamment lorsqu'il commença à collaborer dans Alger Républicain à partir du 9 octobre 1938. C'est donc le 3 novembre 1936 qu'est inaugurée la librairie-galerie Les vraies richesses, au 2 bis rue Charras, aujourd'hui rue Cherif Hamani. Camus qui fréquente au même moment la très voisine maison de la culture, au 8 de la même rue, en devient rapidement un familier. Cet ouvrage comprend plusieurs chapitres dont Camus chez Charlot, La collection poésie et théâtre, Camus et les autres Charlot, Sénac chez Charlot et Jules Roy chez Charlot. Sur un autre volet, Guy Ducas se penche sur l'écrivain natif d'Oran, Emmanuel Roblès. Ici, l'auteur de cet ouvrage évoque avec nostalgie la librairie d'Edmond Charlot en disant : «Une boutique minuscule dont on pouvait (presque) toucher les murs latéraux en étendant les bras mais (où) l'on se sentait si bien tant était forte la personnalité d'Edmond Charlot». Travail d'hommes C'est dans ce lieu qu'Emmanuel Roblès rencontra Albert Camus, «jeune homme au regard grave et au teint pâle, espagnol par sa mère et comme lui pauvre de condition, avec qui il se sent immédiatement en grande affinité d'origine et d'esprit». L'instituteur écrivain ! Il s'agit là aussi d'Emmanuel Roblès, qui sera démobilisé en 1939 et occupera le poste d'instituteur à Renan (actuellement Hassi Mefsoukh) à Oran, puis à Turenne (Saba) à Tlemcen, mais le témoignage de l'un de ses élèves est poignant et montre le degré d'humanisme et de prise de position de cet homme pour des causes justes. Il faut noter cette grande sensibilité qui l'inspire à écrire un roman à partir de la réalité suivante : «Notre instit le lundi nous racontait ses randonnées du dimanche …Au barrage de Béni Badel : travail de titan, exécuté par des hommes dans l'Atlas ; et quels hommes ! Quelques-uns y ont laissé leur peau en tombant dans le béton qui devenait leur sépulture car il était impossible d'arrêter la coulée. La poussière leur insufflait la silicose, le soleil et le froid la tuberculose. La dynamite, les éboulements provoquaient des accidents graves». Alors, en tant qu'enseignant, il associa ses élèves à la genèse de ce nouveau roman qui prendra pour titre Travail d'hommes. Des auteurs de renom L'auteur note en conclusion que parmi les écrivains publiés chez Charlot, Emmanuel Roblès a été le plus publié. Et dans sa collection «Méditerranée» ont été publiés des auteurs comme Mouloud Feraoun, Mohamed Dib et Kateb Yacine. L'auteur de ce livre est de grand intérêt pour les étudiants, hommes de lettres ou pour de simples lecteurs qui s'intéressent à l'histoire de l'édition et des librairies en Algérie, dont Edmond Charlot est en sorte la voie à suivre. Guy Ducas a tout le mérite d'avoir puisé de toute son énergie pour nous présenter cet admirable ouvrage.