Affaire Benagoune, nouveau gouvernement, Sellal, état de santé du président Bouteflika et situation économique, Ahmed Ouyahia a usé, hier, de son «art» de convaincre, sinon de détourner, pour apaiser une scène politique qui bouillonne d'interrogations. Le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), qui animait une conférence de presse au siège de son parti a, d'emblée, bien fait de préciser aux journalistes que le directeur de cabinet de la présidence de la République qu'il est leur «passe le bonjour», avant de se lancer dans les réponses aux nombreuses questions posées. Et comme il fallait s'y attendre, le patron du RND qui ne s'est jamais exprimé sur l'affaire Messaoud Benagoune, le ministre du Tourisme limogé 48 h après sa désignation, a minimisé la gravité de ce précédent. «Il y a eu une faille en termes de confiance», a-t-il estimé, ajoutant que le problème a été «vite réparé». Relancé à plusieurs reprises sur la question, Ouyahia a répliqué que «de toute façon, certains crieraient au scandale qu'il s'agisse d'un limogeage après 48 h ou après 3 mois». Insistant sur «la confiance», dans ce qui s'apparente à un reproche au président du MPA, Amara Benyounès, qui a proposé le nom de Benagoune, le conférencier dédouanera le président Bouteflika dans cette affaire. «Bouteflika gère les affaires du pays» «Abdelaziz Bouteflika est le chef de l'Etat. Il gère les affaires de tout un pays, tandis que le processus de nomination est très long», a-t-il dit, avant de lâcher : «Ce n'est pas lui qui mène les enquêtes», dans une critique qui semble, cette fois-ci, viser les services de sécurité en charge des enquêtes d'habilitation. Quant à la vacance du poste, le SG du RND rappelle que «durant la campagne électorale, plusieurs départements sont restés sans ministre, sans pour autant paralyser les secteurs concernés». Et de conclure : «peut-être qu'on nommera quelqu'un ou un intérimaire incessamment». Sur ses propos tenus vendredi à l'ouverture du Conseil national du parti, où il a appelé «à rompre avec le populisme et la démagogie», Ahmed Ouyahia a réorienté sa pique pour s'attaquer à l'opposition. «Qui a fait de la loi de finances 2016 une fin du monde, allant jusqu'à accuser les députés du FLN et du RND d'avoir affamé le peuple ?», s'est-il interrogé, expliquant que «désormais le défi, principalement économique, est de revaloriser le travail». Et le rôle du RND sera de continuer «à mobiliser et à sensibiliser à travers son discours». Clair, net et précis, le patron du RND répètera à qui veut bien l'entendre que «le gouvernement ne peut en aucun cas être démagogue». Il en veut pour exemple le fait d'avoir adopté la réforme de la retraite, malgré le risque de dérapages, «pour sauver les pensions et la CNR qui, à ce jour, reste en danger». Rappelant sa relation d' «amitié» avec l'ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia a tenu par ailleurs à préciser qu'il avait reçu à la présidence Abdelmalek Sellal, à «la demande» de ce dernier, lors des consultations pour la formation de l'Exécutif. «Le RND ne négocie pas une part du gâteau» Mais il se montre très serein encore au sujet de la faible représentation (3 ministres) de son parti au gouvernement de Abdelmadjid Tebboune. Pour lui, «le souci n'est pas d'avoir 3, 4 ou 14 ministres» car «le RND ne négocie pas une part du gâteau». Ouyahia explique que sa formation politique qui renferme des «militants de conviction» est engagée dans «un soutien politique au président Abdelaziz Bouteflika». Le locataire du palais d'El Mouradia «a choisi un Exécutif qui, nous l'espérons, sera bon pour l'Algérie», s'est-il contenté de commenter. Qu'en est-il de Noureddine Bouterfa qui a appris son remerciement alors qu'il était en mission officielle à l'étranger ? Sur cette question, le SG du RND ne dramatisera : «Il y a au moins quatre ou cinq ministres en déplacement à l'étranger de façon hebdomadaire. S'il faut attendre que tous les ministres soient à Alger pour décider d'un remaniement, même les 365 jours de l'année ne suffiraient pas», a répondu Ouyahia, rappelant qu'«il y avait déjà des précédents»». de plus, précise-t-il, «Bouterfa était sur le chemin du retour lorsqu'il a été informé». A propos de ce remaniement, Ahmed Ouyahia dit «n'avoir jamais été approché» par le président Bouteflika pour occuper le poste de Premier ministre. Dans le même ordre d'idées et sur son ambition de briguer un mandat de chef d'Etat, il se montre loyal et estime que sa fonction en tant que directeur de cabinet de la présidence de la République «(lui) suffit pour servir le président». Ouyahia se montrera aussi imperturbable face aux critiques qui visent son image. «Il est dit que je suis propriétaire de bus, de minoteries, que mes enfants possèdent des sociétés et ma femme aussi (rire). Dieu merci, on n'a pas dit que mes enfants trafiquent de la drogues, ironise-t-il, avant d'admettre : «je suis un homme public depuis 20 ans et je suis conscient que je suis visé». Action de soutien à Boudjedra «Un rassemblement qui ne nécessitait pas d'autorisation» «Il n'y a pas d'état d'urgence non déclaré en Algérie», a répondu Ahmed Ouyahia, interrogé sur l'action de protestation organisée le 3 juin dernier devant les locaux de l'ARAV à Alger. Tout en rappelant que l'état d'urgence en vigueur depuis les années 1990 «a été levé en 2011, sauf pour la capitale où les marches sont interdites», le patron du RND a qualifié de «rassemblement» le sit-in organisé par des intellectuels, hommes de lettres et militants contre le dérapage de la chaine Ennahar TV qui a humilié l'écrivain Rachid Boudjedra dans une caméra cachée. Cette action à laquelle avait pris part le conseiller et frère du président, Saïd Bouteflika, «ne nécessitait pas une autorisation», a estimé Ouyahia qui s'est, cependant, abstenu de prendre partie dans cette affaire.