L'appel d'Ali Yahia Abdenour, Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyellès à faire barrage à un éventuel 5e mandat n'a pas été contré par le pouvoir. Il est plutôt «attaqué» par l'un des hommes qui se proclame opposant de l'heure et appelle à la destitution du Président. Noureddine Boukrouh a, en effet, accusé ce trio d'avoir plagié son initiative, sans aucune honte, ignorant que les trois hommes n'ont fait que «plagier» leur propre initiative du 10 février 2014 contre le 4e mandat. M. Boukrouh est allé jusqu'à oser faire la leçon à Ali Yahia Abdenour qui a bravé tous les interdits et franchi toutes les lignes rouges depuis les années…70. Et pour cause, il explique que les trois personnalités ont fait leur déclaration «après s'être bien assurés que le chemin était ouvert, sécurisé, qu'il n'existait pour eux aucun risque de représailles après les salves tirées contre moi par le ministère de la Défense nationale, le premier ministère, les présidents des deux chambres du Parlement, sans parler des aboiements d'une presse aux ordres et autres coups bas». «Un trio de personnalités nationales a repris sous sa signature, pratiquement mot à mot, les idées contenues dans mon Initiative sans la moindre allusion à l'existence de celle-ci, m'obligeant à exprimer mon indignation face à cet agissement qui n'a ajouté à la matière plagiée qu'un simple «ça suffit !» dont il attend peut-être un effet de souffle nucléaire et une fausseté, seule trace d'innovation où les intéressés affirment que «notre destin a été confisqué depuis près de vingt ans», a dénoncé M. Boukrouh. Ce dernier, qui est devenu, après sa réaction, la risée sur les réseaux sociaux, offre une piètre image d'une opposition en perte de vitesse, divisée et, en raison de sa déchéance continue, se donne en spectacle au grand bonheur du pouvoir. Toutes ses initiatives, pour différentes raisons, ont été vouées à l'échec, perdant ainsi toute crédibilité auprès de la société. La dernière expérience de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) et de l'Instance de suivi et de concertation de l'opposition (ICSO) démontre à quel point l'opposition est faible, incapable de transcender la moindre convergence afin de constituer un front uni capable de renverser les rapports de force en faveur du changement. Une échéance électorale a suffi pour exploser le groupe dont les lambeaux ne sont le que le reflet d'eux-mêmes. Quand la confiance manque Mais pourquoi l'opposition peine à se rassembler, à engager une feuille de route et à peser dans les rapports de force avec le pouvoir ? «L'opposition ne peut pas se structurer autour d'un projet rassembleur à cause de l'absence de confiance entre ses membres. Il y a, en effet, trois courants de l'opposition : la mouvance islamiste, les partis de Kabylie et les laïcs. Ils se sont rencontrés à Mazafran, mais à mon avis, au sein de cette opposition, il y a des partis dirigés par le pouvoir», explique Abdelali Rezagui, politologue. Selon lui, il n'y a en Algérie ni parti d'opposition ni parti du pouvoir, car ils n'ont pas de base militante. «D'ailleurs, à l'APN, ce sont les chefs des partis qui sont députés. Il y a seulement des postes dans ces partis occupés par des personnes», a-t-il argué. «Un parti comme le FFS qui était un grand parti est devenu petit et s'est transformé en parti de famille. Le militantisme est vidé de son contenu», soutient notre interlocuteur. Signe de la décrépitude de l'opposition, Noureddine Boukrouh, qui ne représente en fin de compte que lui-même, s'arroge désormais le droit de s'attribuer la paternité de toute initiative de changement. Sauf que pour le malheur de l'opposition, cette image fait le bonheur du pouvoir. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s'en est d'ailleurs servi à l'APN, lors des débats sur le plan d'action de son gouvernement. «Le peuple vous regarde en spectateur», a lancé M. Ouyahia à l'égard de l'opposition. Ciblant le RCD, il s'est réjoui «de voir comment vos militants vous désertent». Passant au MSP, il l'a qualifié de parti «égaré» qui ne sait plus ce qu'il cherche, la révolution, le dialogue ou la participation au gouvernement. Ahmed Ouyahia a lessivé par la suite Noureddine Boukrouh. «On les a suivis depuis un an ou deux. Ils se félicitaient que le système n'avait plus d'argent, qu'il ne pouvait plus acheter la paix sociale. Qu'il va tomber. Ils ont adopté la position du loup qui est resté sous un figuier attendant que la figue tombe. L'un d'eux, qu'on voit d'une époque à une autre, comme l'éclipse solaire, est revenu ces derniers temps, appelant à une révolution populaire. Il sait que le peuple ne l'écoute pas, car il n'a pas oublié lorsqu'il le qualifiait de ‘'ghachi''. Mais il attend que le système le punisse pour en faire un zaïm. Or, le système l'ignore complètement», a-t-il lancé, proclamant que «l'ère de l'hypocrisie politique est révolue». Si le Premier ministre a osé une telle mise à nu, c'est que l'opposition ne peut se prévaloir d'aucun poids à même d'influer sur le cours des choses.