Parmi les 5000 espèces du phytoplancton marin,300 ont la capacité de proliférer au point de décolorer la surface de la mer et de produire une spectaculaire «marée rouge» faite de millions de cellules par litre d'eau. Les algues microscopiques qui constituent ces efflorescences sont une gourmandise très recherchée par les huîtres, les moules, les coquilles Saint Jacques et les palourdes. En outre, comme les fruits de mer aussi bien que les larves de crustacés et de poissons à nageoires se régalent des microalgues, une marée rouge peut être une véritable aubaine pour l'aquaculture et pour les pêcheries naturelles. Ces efflorescences spectaculaires d'algues peuvent toutefois devenir, dans certains cas, un véritable cauchemar en raison des pertes économiques qu'elles infligent à l'aquaculture, à la pêche et au tourisme, de la menace qu'elles font planer sur l'environnement et des risques d'épidémies pour les humains. Parmi les espèces de microalgues, environ 80 seulement sont capables de produire des toxines suffisamment puissantes pour contaminer l'homme par l'intermédiaire des poissons, des crustacés et des mollusques. Les conséquences peuvent être dramatiques pour la victime d'une intoxication alimentaire. Les efflorescences d'algues nuisibles se manifestent de plus en plus fréquemment, sous une forme plus concentrée et sur une plus vaste échelle. Des chercheurs, des industriels, des représentants de gouvernements et des utilisateurs locaux se réuniront à Copenhague (Danemark) du 4 au 8 septembre 2006 afin de confronter les résultats de leurs recherches et leurs idées sur la façon de résoudre ce problème en pleine expansion, à l'occasion d'une conférence coparrainée par la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l'UNESCO. À l'échelle mondiale, près de 2 000 cas d'intoxication humaine par consommation de poissons ou de fruits de mer sont signalés chaque année. Ils seront mortels dans quelque 15 % des cas. Si on n'y prend garde, l'économie pourrait être menacée par l'effondrement de la consommation locale et de l'exportation de poissons et de fruits de mer. Les baleines et les marsouins peuvent également en souffrir en ingérant des toxines introduites dans la chaîne alimentaire par du zooplancton ou du poisson contaminé. Aux États-Unis, on a signalé une intoxication de lamantins en Floride par des herbiers marins et, en Californie, de pélicans et d'otaries par des anchois. C'est en 1793 qu'est consigné un des premiers cas mortels d'intoxication alimentaire après ingestion de mollusques et de crustacés contaminés, lorsque l'explorateur anglais, le capitaine George Vancouver, et son équipage eurent touché terre en Colombie britannique (Canada) dans une zone dénommée, depuis, Poison Cove. Il observa que, pour les tribus indiennes, il y avait un tabou sur la consommation de crustacés et de mollusques lorsque l'eau de mer devenait luminescente sous l'effet des efflorescences d'algues. Les toxines responsables de l'intoxication paralysante par les mollusques (PSP) sont si puissantes qu'une quantité de la valeur d'une tête d'épingle (environ 500 microgrammes), facilement présente dans une portion d'à peine 100 g de fruits de mer, peut être mortelle pour l'homme. On pense que c'est dans la Bible qu'est apparue la première référence littéraire (1 000 ans avant Jésus Christ) à des efflorescences d'algues nuisibles. « Toutes les eaux du Fleuve se changèrent en sang. Les poissons du Fleuve crevèrent ; et le fleuve s'empuantit, et les Egyptiens ne purent plus boire l'eau du Fleuve » (Exode 7, 20–21). Dans ce cas précis, une algue non toxique s'était tellement concentrée dans l'eau qu'elle en avait épuisé l'oxygène et fait suffoquer les poissons comme les invertébrés. Des efflorescences d'algues non toxiques peuvent donc être désastreuses pour les écosystèmes locaux, sans parler de l'épouvante ressentie par des touristes fuyant la vision macabre de poissons morts flottant au milieu de l'écume et de la mousse.