La tradition est maintenant bien établie : à chaque ramadhan, les restaurants du Croisant-Rouge algérien accueillent des centaines de nécessiteux à l'heure du f'tour, à qui des bénévoles servent des repas chauds qui n'ont rien à envier à ceux préparés chez les familles aisées. Alger, rue de Mulhouse. Comme de tradition, le restaurant du Croissant-Rouge algérien (CRA) ouvre ses portes durant le Ramadhan pour accueillir pas moins de 250 personnes. De nombreuses familles, des jeunes et des vieux, SDF pour la majorité, viennent à l'heure du f'tour prendre un repas chaud. Ici, le menu est riche : une chorba, un plat de résistance, une salade variée, une bourak, de la viande sucrée en supplément, un dessert et une boisson gazeuse sont servis dans des plateaux en inox. Le service est assuré grâce aux nombreux dons de commerçants qui offrent des produits alimentaires et des particuliers qui ramènent des repas préparés. Des bénévoles affirment qu'un commerçant a pris l'habitude d'offrir au comité d'Alger, depuis une dizaine d'années, du lait, des dattes, des yaourts et du kelb ellouz. «Il vient chaque jour pour nous ramener ces produits en quantités suffisantes», indique un bénévole rencontré sur les lieux qui ne manquera de faire remarquer que «les gens généreux existent en grand nombre dans notre pays». Des bénévoles de tout âge La générosité ne se limite pas seulement aux donateurs, lorsqu'on sait que le restaurant fonctionne grâce aux nombreux bénévoles. Ils sont pas moins de 70, entre femmes et hommes, à s'engager dans l'action de solidarité. Ils s'appellent Mohamed, Feriel, Adel, Hocine… Ils sont pour la plupart jeunes mais surtout dynamiques. La première équipe que chapeaute le cuisinier est là depuis 9h00 du matin. Il y a même un SDF qui l'a rejointe au premier jour du mois sacré. «Ce jeune SDF s'est présenté le premier jour de Ramadhan pour offrir ses «services». Depuis, il vient chaque jour pour nous aider», affirme Hocine Aït Kaki, responsable de Meidat El Hillal au comité d'Alger. Ayant pour seule mission de préparer le repas et le servir à l'heure du f'tour, ces bénévoles, très engagés, viennent d'horizons divers et de différents quartiers de la capitale. Si la majorité des bénévoles sont des étudiants, la présence de quelques mères de famille ne passe pas inaperçue. «Je suis là depuis plusieurs années à aider ces familles nécessiteuses», nous dit une dame qui regrette au passage la non implication du comité national du CRA dans leur action de solidarité. Feriel, étudiante en médecine qui a intégré le CRA en 2003, est arrivée à 17h30. Pour cette fille de Kouba, membre du groupe chargé de servir les repas à quelques minutes du f'tour, l'action consiste à apporter du bonheur aux familles et personnes qui fréquentent ce resto. «Il faut bien que quelqu'un s'occupe de ces familles», nous déclare cette étudiante. Khaled, son collègue de 23 ans, est venu spécialement de Ghardaïa apporter son aide à ses camarades d'Alger qu'il a connus lors des inondations qu'a subies cette région l'an dernier. Fils d'un entrepreneur lui-même ancien bénévole au CRA, Khaled travaille avec beaucoup de conviction, expliquant qu'il tire sa motivation de ses croyances religieuses. Servir le plus de nécessiteux A 18 h00, tout est fin prêt. L'équipe de la cuisine prépare les repas. Les premières familles dont de nombreux enfants arrivent sur les lieux. Tout le monde connaît la place qui lui est «réservée» à l'intérieur d'une salle où règnent l'ordre et le calme. Les hommes sont séparés des femmes. L' «agent» chargé de l'accueil impose une discipline à l'entrée mais aussi à l'intérieur du restaurant. Parfois, il n'arrive pas à retenir ses nerfs, puisque certains SDF ne respectent pas ses «consignes». Au restaurant, on veille surtout à l'emplacement des personnes pour éviter des bagarres. «Ces familles de SDF se sont constituées en clans qui se détestent. Le moindre contact entre elles risque de se transformer en rixe», explique un ancien du CRA. A 18h50, début du service. Le restaurant grouille de monde. Il n'y a plus de place pour les nombreuses personnes qui attendent devant la porte. Elles doivent patienter le temps que des places se libèrent. Les serveurs, en véritables psychologues, réussissent à gérer la situation. Au moment de la rupture du jeûne, tout le monde est servi. Les familles repartent avec un sourire qui ne durera malheureusement pas longtemps, puisqu'elles dorment sur les trottoirs. Les bénévoles, quant à eux, rentrent chez eux, satisfaits d'avoir accompli une mission noble en dépit des problèmes qui minent leur organisation.