Depuis 2004, plusieurs familles d'Alger-Centre, d'El Biar et de Kouba ont été transférées par la wilaya aux chalets de Bateau Cassé, dans la commune de Bordj El Kiffan. Ce recasement devait initialement duré dix-huit mois, mais il perdure à ce jour. Les familles transférées ont manifesté jeudi dernier pour revendiquer publiquement leur relogement dans des habitations en dur. Les habitants du chalet situé à proximité de la plage dite Bateau Cassé, dans la commune de Bordj El Kiffan, ont vécu ces derniers jours des nuits cauchemardesques suite aux fortes intempéries qu'a connues la capitale. Durant la journée du jeudi, les occupants de ce site, dont des femmes et des enfants, ont en fait bloqué la route nationale à la circulation automobile en vue de manifester leur colère et leur désarroi. Le mot est sur toutes les lèvres : relogement. «Ce sont tous les habitants du site qui sont sortis afin d'exprimer leur mécontentement et surtout leur désespoir. Nous vivons dans des conditions que même les animaux ne peuvent pas supporter. Nous sommes des citoyens conscients, c'est pourquoi nous avons évité la confrontation avec les gendarmes qui se sont déplacés pour débloquer la route», a déclaré R. Brahim, un père de famille qui avait les larmes aux yeux. Comme tout le monde, il a pris part à la manifestation de rue. Brahim, interrogé par Le Temps d'Algérie, n'a pas cessé de dénoncer la situation critique où se trouve sa famille constituée de huit personnes. Dans un chalet exigu et détérioré, sa famille partage la nourriture et même le lit avec les rats qui ont trouvé en cet endroit les conditions propices pour proliférer. Hommes, femmes, enfants et vieillards, tous sont désemparés. L'amélioration de la situation leur semble incertaine du moins dans l'immédiat. Ils craignent surtout de passer l'hiver dans ce centre de transit. «Quand on nous a ramenés ici, on nous a promis des logements en dur. Nous avons des décisions de 18 mois de recasement provisoire. Mais depuis 2004, personne parmi les officiels ne s'est inquiété du devenir de nos enfants qui continuent de subir toutes formes de privation», s'est lamenté un septuagénaire épuisé. Le sentiment de dépit est général. «Dans ce site, nos enfants ne peuvent que devenir des délinquants. La violence se multiplie. Les jeunes, qui ont du mal à supporter cette misère, s'adonnent à la consommation de stupéfiants», a déploré une mère de famille. La dame est visiblement inquiète du sort de ces enfants au milieu des chalets de plus en plus invivables. Un climat de crainte et de suspicion règne sur ce site habité par des familles venues de différentes localités d'Alger. «Les autorités qui n'avaient pas pensé à notre cohabitation ont installé des familles d'une manière anarchique. Ce qui a ouvert les portes aux agressions et à toutes sortes de dépassements et de dérives», a fait remarquer un vieil asthmatique. Cette maladie pulmonaire a d'ailleurs touché presque tous les habitants très probablement à cause de l'humidité. Un sexagénaire, dont deux petits-fils sont morts des suites de crises d'asthme, n'a pas manqué d'exprimer sa colère. «Cela fait six ans qu'on est contraint à vivre dans ces conditions insoutenables. Ils nous ont promis des logements. En fin de compte, ils nous ont laissé tomber. Personne n'a osé faire un déplacement pour s'enquérir de notre situation», a-t-il déploré. Ces personnes, ayant été expulsées de leurs maisons construites d'une manière illicite, parfois même anarchiquement, dans plusieurs localités, à savoir les quartiers Jolie Vue (commune de Kouba), les Tagarins (El Biar) et Télemly (Alger-Centre), sont entre le marteau et l'enclume. Les autorités leur ont interdit de restaurer ces chalets délabrés. «Il y a ceux qui sont venus après nous et ils ont bénéficié d'un logement social. Un voisin rusé avait même incendié son chalet. Actuellement, il se trouve dans son nouvel appartement. Tandis que moi, j'attends toujours», a témoigné un habitant.