En marge de sa visite d'inspection et de travail à Tizi Ouzou, le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme est revenu sur la pénurie de ciment qui a affecté les chantiers de construction et donné lieu à une spéculation féroce sur ce produit stratégique. Dans un point de presse tenu à l'issue de son déplacement, lundi, dans la wilaya de Tizi Ouzou, Nourredine Moussa a accusé ouvertement les entreprises de construction de se livrer à la spéculation sur le ciment. Certains entrepreneurs, a dit le ministre, ont profité de la forte demande exercée sur ce produit pour verser dans le trafic en surestimant leurs besoins afin d'en prélever des quantités importantes qu'ils revendent au marché informel. La tension créée par le truchement de ces pratiques, qui aura duré quand même plusieurs mois, d'avril à septembre, selon le ministre, a fait grimper les prix de ce produit à des seuils jamais atteint auparavant. Le sac de 50 kg, coûtant moins de 240 DA à la livraison, était revendu entre 700 et 800 DA, parfois davantage dans certaines régions où le bâtiment connaît un regain de dynamisme. Cette situation de crise a fait craindre aux entreprises de réalisation et aux autorités des retards sérieux dans la livraison des grands chantiers lancés durant la décennie. Les opérateurs publics et privés engagés dans la réalisation de l'autoroute Est-Ouest, en particulier, avaient averti d'un possible arrêt des chantiers par manque de ciment. La même inquiétude a été exprimée par les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics impliqués dans la construction du million de logements prévus dans le programme présidentiel. La crise, qui n'avait fait que s'accentuer en atteignant son paroxysme durant l'été, avait contraint les autorités publiques à prendre une série de mesures pour faire face à une situation aussi anachronique que paradoxale pour l'Algérie de 2009. Une production de 18 millions de tonnes L'anachronisme tient à la survivance de pratiques spéculatives dignes des années 1970-1980 où le rationnement du ciment et des autres matériaux de construction a créé un véritable marché parallèle, permettant à quelques barons d'ériger à l'ombre des fortunes colossales. La libéralisation du secteur et la construction de nouvelles cimenteries a fini cependant par avoir raison du marché noir. Les capacités de production, limitées un certain temps entre 3 et 4 millions de tonnes par an, ont atteint ces dernières années, grâce aux investissements publics et privés, l'équivalent de 17 à 18 millions de tonnes. Là où se situe le paradoxe, c'est que cette quantité est plus que suffisante pour assurer à l'Algérie une autosuffisance en matière de ciment et à répondre à la très forte demande induite par les gigantesques programmes de développement engagés depuis le début du siècle. Mais c'est compter sans les spéculateurs qui maîtrisent l'essentiel du circuit de commercialisation. Nourredine Moussa a rappelé ces vérités, assurant que le gouvernement a pris des mesures draconiennes dès l'apparition des premiers signes de la crise du ciment. On se souvient en effet du décret plafonnant les marges bénéficiaires de tous les opérateurs intervenant dans la chaîne de production et de distribution mais aussi des instructions fermes données aux services de sécurité de saisir toute quantité de ciment mise en vente ou transportée sans documents légaux (registre du commerce, factures…). Ces mesures, conjuguées à l'importation exceptionnelle d'une quantité d'un million de tonnes, ont fait baisser la tension, même si quelques poches de spéculation subsistent ici et là à travers le pays. La livraison des quantités de ciment importé se fait actuellement avec un rythme variant entre 8 et 12 000 tonnes/jour, a précisé M. Moussa qui a expliqué, par ailleurs, que le programme national de réalisation de logements n'a été affecté que partiellement par la crise. Le ministre a fait savoir à ce propos qu'au 30 septembre 2009, il a été livré 953 420 unités (tous types confondus). Le reste, moins de 50 000 logements, fera l'objet, à la mi-janvier courant, d'une évaluation quant à son état d'exécution. Des retards à rattraper à Tizi Ouzou La situation du secteur de l'habitat laisse quelque peu à désirer dans la wilaya de Tizi Ouzou. Des retards sont constatés dans la réalisation du programme quinquennal : sur un total de 55 302 logements, il a été livré à fin décembre 2009, 31 456 unités, alors que le reste (18 706) se trouve à des degrés divers de réalisation. Le programme dont a bénéficié la wilaya se caractérise par une prépondérance de la formule de l'habitat rural (aides de 700 000 DA) avec 34 324 unités, dont 22 324 achevées, 9180 en cours de réalisation et 2845 en voie de lancement. L'option pour cette formule a été privilégiée du fait de son adaptation aux spécificités de la wilaya. Tizi Ouzou se distingue par une rareté du foncier et par la configuration accidentée de la plupart des terrains disponibles. En matière d'amélioration urbaine, Tizi Ouzou n'est pas mieux lotie, d'où la décision de l'Etat de doter la wilaya, durant le quinquennat écoulé, d'un budget de 11,8 milliards DA, ce qui la place de ce fait au 3e rang au niveau national, pour lui permettre de rattraper son déficit. M. Moussa a indiqué que «l'Etat n'a pas l'intention de jeter l'argent à la mer» et que la manne financière n'est pas inépuisable. Raisons qui dictent, selon lui, le respect rigoureux des normes, et ce, à travers la mise à niveau des bureaux d'études.