C'est certainement rare, mais ça existe. Dans ce collège de la capitale, les professeurs ont été rarement sensibles aux appels des syndicats leur demandant de débrayer. Et ils y ont tout aussi rarement répondu. En fait, pour cette année, ils ont toujours travaillé. N'allez surtout pas leur dire ce qui «vient tout de suite à l'esprit». Ils ne sont ni les privilégiés du système auquel ils le rendraient bien, ni des froussards gagne-petit contents de leur sort en dépit de l'accumulation des problèmes. Ils sont là, n'imaginent pas faire autre chose que dispenser leurs cours les jours ouvrables et aux heures que contient leur programme. N'attendez pas non plus d'eux qu'ils «vous fassent la leçon», ils ne le font que quand ils sont payés. Les traités de morale, ce n'est pas trop leur truc. Ils n'accablent pas leurs collègues qui font la grève, ils sont juste différents, sans même «revendiquer leur différence». Professeurs dans un système qui n'est pas ce qui se fait de mieux dans le monde, ils vivent leur métier sans prétentions ni illusions. Pas la peine de leur dire que l'école est en crise, ils le savent déjà. Mieux- ou pire - ils le vivent avec une certaine décontraction. Dans leur regard, il n'y a pourtant pas de grands signes de résignation. Pas de haussements d'épaules des gens blasés. Dans leur démarche, il n'y a ni le mouvement discret de ceux qui rasent les murs, ni le roulement de mécanique des petits roublards. Ils sont normaux ? Pas vraiment. La preuve ? Ils n'ont jamais fait la grève. Anormaux, alors ? Non plus, les augmentations de salaire, ils veulent bien. Ils savent le point indiciaire et rêvent d'une retraite, méritée ou non, après vingt cinq ans de service. Ils font mal leur travail et acceptent par conséquent de se faire payer au rabais ? Il y a un programme et ils l'«exécutent». Le reste, c'est pour les autres. Ils ne se mêlent pas de ce qui les regarde, mais ne regarde pas de loin ceux qui le font, puisqu'ils sont toujours là. A travailler, à scruter un horizon qu'ils savent bouché. Ils ne rêvent ni d'«être sur leur balcon et se voir dans le premier carré d'une manifestation», ni de lauriers officiels récompensant «leur sagesse jamais démentie et leur sens des responsabilités toujours légendaire». Ils n'ont pas fait grève depuis le «début du conflit» cette année mais ils ont «rejoint le mouvement» depuis quelques jours. Plus exactement depuis que le ministère a annoncé que toutes les revendications ont été satisfaites et que les syndicats ont commencé à adoucir le ton. Alors, ils sont normaux ou pas normaux ? Ils n'ont plus le temps de répondre, ils sont en grève. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir