Le trafic de ciment, dont la wilaya de Bordj Bou Arréridj est une des plaques tournantes, prend des proportions alarmantes. C'est le citoyen qui paie l'appât du gain facile de certains. Le prix du sac de ce produit se multiplie, causant une pénurie sur ce dernier. Les programmes lancés par l'Etat pour offrir des logements aux démunis sont également hypothéqués. Cela se traduit par un retard important, quand ce n'est pas par une réévaluation de ces programmes. L'économie nationale paie aussi le prix fort dans cette escalade qui permet à des gens sans scrupules de s'enrichir rapidement et illégalement. L'affaire soulevée en exclusivité par notre journal a livré tous ses secrets grâce à la mobilisation et à la coordination entre les éléments de la gendarmerie dépendant du groupement de wilaya et de la direction du commerce. D'ailleurs, c'est l'analyse des factures d'un opérateur en matériaux de construction qui a mis la puce à l'oreille des enquêteurs. Les factures d'achat étaient importantes. Celles des ventes étaient absentes. Cela veut dire que le produit n'empruntait pas les circuits habituels. Or les gendarmes ont saisi un camion destiné à la même personne sans les documents de rigueur, les enquêteurs ont suspecté un commerce illégal. L'identification de la personne grâce à la même coordination a permis de se rendre compte qu'il s'agit d'un prête-nom. En effet, le titulaire du registre du commerce était une jeune femme célibataire de 35 ans habitant la commune de Bir Ksadali. Comment cette femme qui louait des garages dans cette commune pouvait brasser un chiffre d'affaires 22 milliards de centimes en 5 mois ? Elle ne savait même pas qu'elle était redevable de la somme de 8 milliards de centimes aux imports. Pourtant, elle avait retiré de la cimenterie de Hammam Dhalaa une quantité faramineuse : 18 300 tonnes, soit 100 tonnes/jour. Elle n'était pas la seule, finalement. Dans ce commerce qui s'étendait aux wilayas voisines de M'sila et de Sétif, deux jeunes de la capitale des Hauts Plateaux se sont trouvés avec des redevances de 24 milliards de centimes et de 122 milliards. Le premier, qui appartenait à une famille pauvre, avait un chiffre d'affaires de 400 milliards en 4 ans. Il avait officiellement retiré 300 000 tonnes de ciment de la même usine. Le second, âgé de 34 ans, avait, lui, un chiffre d'affaires de 2400 milliards de centimes. Ses redevances fiscales étaient à la même hauteur. 122 milliards de centimes. Ces montants en disent long sur le chiffe d'affaires du trafic. Les membres du réseau recouraient aux prête-noms mais aussi au faux et usage de faux et surtout à la corruption. C'est ainsi que deux Egyptiens qui travaillaient pour la direction générale de la cimenterie à Alger ont facilité l'octroi de bons aux membres du réseau. Des banquiers ont, quant à eux, facilité le payement en liquide des quantités retirées. Cela empêchait les autorités de suivre les transactions financières importantes. Pourtant, officiellement, les chèques étaient exigés. Mais ce trafic s'est arrêté net puisque le réseau a été démantelé. Une quantité de 99 tonnes de ciment a été saisie. Elle a été remise aux services des domaines. Les 30 membres du réseau, dont les 2 Egyptiens, ont été présentés au procureur de la République près du tribunal de Bordj Bou Arréridj. Le magistrat a placé les 5 têtes pensantes de la bande sous mandat de dépôt pour spéculation, évasion fiscale, faux et usage de faux, usurpation de fonction et escroquerie. Deux autres membres ont été mis sous contrôle judiciaire. Les autres ont bénéficié de la liberté provisoire.