Membre de la glorieuse équipe du FLN et ancien entraîneur national, Mohamed Maouche nous parle dans cet entretien du Mondial 2010 et du parcours de l'EN dans cette compétition. Le premier Mondial en terre africaine a été finalement une grande réussite. L'Afrique du Sud a relevé le défi et tenu son pari, n'est-ce pas ? Le monde est unanime à dire que ce Mondial est une grande réussite. Le pays de Nelson Mandela a effectivement relevé le défi. J'étais moi-même sur place. C'était quelque chose d'extraordinaire. C'est une réussite dans tous les domaines. Comment évaluez-vous le niveau technique de la compétition ? Ce Mondial a été d'un niveau très relevé. C'était du très haut niveau sur tous les plans, techniquement, physiquement, tactiquement et même psychologiquement. Il y a eu une progression extraordinaire dans tous les domaines. Tout le monde s'accorde à dire que l'arbitrage a été le point noir de ce Mondial, qu'en pensez-vous ? C'est vrai qu'il y a eu beaucoup de critiques à l'égard de l'arbitrage et de la Fifa de la part des dirigeants, des entraîneurs, des observateurs et de la presse. Je retiens personnellement un seul arbitre, celui qui avait dirigé la demi-finale entre l'Espagne et l'Allemagne. S'agissant de la finale, c'était vraiment à la limite de la catastrophe. Le monde est aussi unanime à dire que le sacre de l'Espagne est amplement mérité ? Tout à fait. L'Espagne a réalisé un très bon parcours depuis l'Euro 2008. Il y a une terrible complicité entre les joueurs espagnols. Il y a une osmose et des complémentarités qu'on trouve rarement, même au niveau des clubs. Ils sont aussi très intelligents dans le jeu, avec des individualités qui se mettent au service du groupe. C'est vraiment un ensemble très cohérent dans tous les domaines. C'est une véritable machine. Les Européens ont finalement pris le dessus sur les Sud-Américains, comment expliquer leur réussite ? C'est vrai que les Européens ont tout raflé en s'offrant les trois premières places notamment, mais les autres, les Sud-Américains et les Africains, n'ont pas démérité, comme les Ghanéens par exemple. Les Brésiliens auraient pu gagner le titre s'ils avaient bien négocié leur match contre les Pays-Bas, qui était à leur portée. Ils ont voulu emballer le match d'emblée. C'est ce qui a causé leur défaite. Il fallait faire circuler le ballon et attendre la faille, comme ils avaient l'habitude de le faire. L'Argentine a aussi une très bonne équipe. Le football européen est un peu en avance, surtout sur le plan collectif et physique, mais aussi sur le plan de la maturité. Le parcours des Africains a été des plus décevants. Sur les six sélections africaines, seul le Ghana a tiré son épingle du jeu ? Le Ghana a fait honneur à l'Afrique. Il était à deux doigts de la demi-finale avec ce penalty raté à la dernière minute du match. Il ne faut pas blâmer le joueur qui a raté ce penalty. Ce sont des choses qui arrivent. Cela est arrivé même aux plus grands joueurs du monde. Le Ghana possède une très bonne équipe. C'est une équipe jeune en plus. Si les Ghanéens continuent sur cette lancée, ils feront très mal dans la prochaine Coupe du monde, sans oublier la CAN. Il faudra vraiment compter avec les Ghanéens. Il ne faut pas oublier les autres sélections africaines, comme celle du Cameroun qui a fait de bons matches, mais elle a manqué de chance. Même chose pour la Côte d'Ivoire et le Nigeria. Les Africains ont fait d'énormes progrès. Ils ne prennent plus des raclées face aux Européens et aux Sud-Américains. Maintenant, le Mondial est très équilibré. Même l'Afrique du Sud a énormément progressé dans une discipline qui n'était pas dans ses traditions et habitudes. C'est beaucoup plus une nation de rugby. Après ce Mondial qu'il a organisé, le pays de Mandela fera encore des progrès dans ce sport roi. Qu'en est-il pour la sélection algérienne ? L'EN a fait un parcours mitigé. Ce n'était pas la catastrophe. Nous, membres de la Fondation de l'équipe du FLN, évitons de verser dans la critique destructive. On préfère faire des critiques positives, objectives et constructives. Je pense qu'on a une bonne équipe qui aurait pu faire un meilleur parcours si elle avait osé beaucoup plus. On a surtout des regrets sur le premier match face à la Slovénie qui était largement à notre portée. On n'a rien compris. On ne sait qui a pris la décision de jouer de cette façon. Est-ce l'entraîneur ou les joueurs ? Le football, c'est aller devant et de l'avant. Si on ne va pas devant, on ne marquera pas de buts, c'est clair. Les attaquants ne sont pas donc à blâmer ? Ce n'est pas un problème d'attaquants. Si un attaquant reçoit 20 ballons, il pourra marquer deux ou trois buts. S'il ne reçoit pas de ballons, il ne pourra pas marquer. C'est évident. Dès qu'on a un bon passeur, on a des buts. Il y a des choses à revoir dans notre équipe qui est jeune et perfectible. C'est le rôle de l'entraîneur. Il faut préparer dès maintenant les prochaines échéances. On ne doit pas avoir une minute de retard. On peut faire beaucoup mieux à l'avenir. Saâdane a décidé de rester, qu'en pensez-vous ? C'est peut-être une bonne chose. C'est aux responsables de la FAF de voir. Ce sont eux qui étaient avec l'équipe et qui ont une idée sur son fonctionnement. Je pense sincèrement, et c'est l'avis de beaucoup de gens, que Saâdane doit renforcer son staff par des adjoints qui doivent et qui peuvent apporter un plus. Il faudra un très bon staff pour cette équipe nationale. Si Saâdane reste le seul chef et maître à bord, ce sera difficile pour lui. Votre camarade Rachid Mekhloufi appelle à passer le témoin ou le flambeau à la génération 82 et 86, partagez-vous son idée ? Ces joueurs des années 80 et 90 n'ont pas une grande expérience, surtout pour ceux qui n'ont pas entamé une carrière d'entraîneur, mais il faudra tout de même les solliciter et les consulter. Je pense qu'on peut réussir si on crée un collège national et si on travaille la main dans la main, sans se tirer dans les pattes. Il faut qu'il y ait un consensus et un bon collège des entraîneurs qui pourront aider non seulement l'EN A, mais les autres sélections aussi, les moins de 15 ans, 17 ans, 20 ans et 23 ans. C'est là où les anciens internationaux peuvent travailler. Si on veut avancer, le gros du travail doit se faire dans les sélections des jeunes, comme on l'a si bien fait au niveau de la sélection des moins 17 ans qui s'est qualifiée au Mondial. Ces anciens internationaux doivent aussi se former et se perfectionner surtout à l'étranger et ne pas compter uniquement sur les stages de formation qu'on organise chez nous. Il faut que les clubs travaillent aussi et s'occupent de la formation des jeunes. Que pensez-vous de la politique du tout-professionnel adoptée par la FAF ? L'émigration doit être un apport supplémentaire. Si on a des joueurs qui jouent dans de grands européens, comme le Real, le Barça, la Juventus, Manchester United ou le Bayern, et qui sont surtout des titulaires, on aurait accepté et applaudi. Moi, je préfère prendre un jeune d'ici et le préparer que miser sur des pros qui évoluent dans de petits clubs en Europe et qui ne ne sont même pas titulaires. Jouer en 2e division en France ou en Espagne, ce n'est pas terrible. Si tous les joueurs qui ont pris part à cette Coupe du monde étaient titulaires dans leurs clubs et avaient beaucoup de matches dans les jambes, on aurait réussi d'excellentes choses en Afrique du Sud. Quand un joueur ne joue pas pendant deux, trois ou quatre mois, on ne peut rien attendre de lui. Qu'en est-il pour le projet du professionnalisme ? Le professionnalisme, ça se prépare. On ne passe pas au professionnalisme du jour au lendemain. Je pense qu'il faut choisir et miser sur certaines villes où tous les moyens sont réunis, notamment en matière d'infrastructures, comme Annaba, Sétif, Béjaïa, Tizi Ouzou, Blida, Tlemcen et Mostaganem. Tout doit être étudié et préparé minutieusement. Des clubs veulent devenir professionnels alors qu'ils ne pourront pas l'être dans l'immédiat. A Alger, par exemple, il n'y a pas de stades ni de terrains d'entraînement, mais les clubs se bousculent pour passer au professionnalisme. Je me demande comment vont faire le MCA, l'USMA, le NAHD, le CRB, l'USMH et le RCK. C'est impossible. Beaucoup de choses sont à revoir. Il faut changer les mentalités. Il faut des gens sérieux, intelligents et compétents. Le professionnalisme, ce n'est pas l'argent seulement.