L'élevage ovin est en butte à de sérieux problèmes, le plus important étant le vol de bétail par des bandes criminelles armées et très bien organisées. Craignant pour leur vie, de nombreux éleveurs des régions steppiques de M'sila, Djelfa et Laghouat ont dû mettre la clé sous le paillasson. Pour l'élevage bovin, le problème est autre. Le phénomène du vol de bétail dans les régions steppiques prend une ampleur démesurée ces dernières années. Selon M. Salah Gaïd, secrétaire général de l'Union nationale des paysans libres (Unpl), «les éleveurs sont terrorisés par les bandes de voleurs de bétail qui sévissent dans la majorité des wilayas steppiques». Il affirme que ces bandes criminelles sont armées et disposent de moyens considérables qui leur permettent d'agir n'importe où dans les 24 wilayas parcourues par la steppe. «Leurs méfaits ont causé un tort sérieux à l'élevage ovin qui se relève à peine des conséquences de la décennie noire», explique-t-il, soulignant que «la justice se montre trop souvent clémente avec ces criminels». De peur d'être victimes de brigandage, beaucoup d'éleveurs se sont convertis dans l'engraissage, une activité beaucoup plus sûre et d'un meilleur apport. D'autres ont investi des créneaux n'ayant aucun rapport avec leur métier initial. Enfin, une partie a préféré tout vendre pour s'installer en ville. A ce problème qui mérite une réponse sérieuse, s'ajoute un autre phénomène récurrent : la contrebande de bétail qui s'est développée le long des frontières avec la Tunisie et le Maroc, «à cause de la faiblesse du dinar par rapport aux monnaies de ces deux pays». M. Gaïd parle de «connexion de réseaux de trafiquants et de contrebandiers» qui saignent à blanc le pays. «Drogue ou mouton, c'est kif kif» Notre interlocuteur affirme que le nombre d'ovins algériens traversant les frontières est «effarant», suggérant qu'il est grand temps de repenser «ce grand Maghreb arabe qui se fait à notre détriment». Pour le secrétaire général de l'Unpl, les réseaux de trafiquants s'intéressent à tout ce qui a de la valeur. Pour ces criminels, dit-il, «vendre de la drogue ou du cheptel, c'est kif kif ; l'essentiel est que ça rapporte». Dans ces conditions, estime-t-il, il est impossible de prétendre approvisionner le marché national en viande ovine, quand bien même l'aide de l'Etat a commencé à produire ses effets positifs. «Mais si l'on n'intervient pas aujourd'hui pour assurer la sécurité des éleveurs, l'aide que l'Etat leur a consentie depuis de nombreuses années ne servira finalement qu'à enrichir les criminels», ajoute-t-il. Selon notre interlocuteur, l'insécurité dans les régions pastorales traditionnelles ne participe pas à l'accroissement du cheptel et donc à l'amélioration de la production nationale de viandes rouges. Le cheptel ovin de parcours stagne à 25 millions de têtes, alors que la steppe couvre au moins 32 millions d'hectares. Une superficie énorme, capable d'abriter le double du cheptel ovin si elle était exploitée de façon plus rationnelle. «Où vont les vaches importées ?» Le débat actuel sur l'importation de viande bovine d'Inde «ou d'ailleurs» n'intéresse pas vraiment les membres de l'Union paysanne libre. «C'est un problème qui se pose entre les barons de la viande, chacun veut imposer le pays d'importation de son choix», indique M. Gaïd, qui affirme que «les importations de viande de l'étranger ne règlent pas le problème des producteurs algériens, bien au contraire». Selon lui, ce débat est une diversion sur la réalité peu reluisante du secteur de l'élevage en Algérie, notamment pour la production de viande bovine. M. Gaïd rappelle les difficultés de tout ordre qui limitent les ambitions des éleveurs : absence de terrains de parcours, inexistence d'une production nationale de maïs et de soja (les deux produits de base entrant dans la composition de l'aliment du bétail) et le peu de consistance des élevages, la majorité des éleveurs disposant de troupeaux de moins de 10 têtes. Autre problème que M. Gaïd a tenu à soulever est l'importation de vaches, soi-disant pour améliorer les races locales et accroître la production de lait et de viande. Certes, dit-il, «l'Etat a joué le jeu, mais est-ce que les éleveurs qui ont bénéficié de son aide en ont fait de même ?» Notre interlocuteur affirme que «dans la plupart des cas, les vaches importées finissent dans les abattoirs». «Il faut faire cesser cette mascarade et il est grand temps que l'aide de l'Etat s'accompagne d'un contrôle rigoureux», ajoute-t-il. Pour le secrétaire général de l'union paysanne libre, le chemin reste long à parcourir pour prétendre régler le problème de l'autosuffisance en viande. Le plus important est que l'on cesse de mentir aux fellahs. «Les hommes politiques doivent avoir le courage de prendre les décisions qui s'imposent». Entre autres, débarrasser le pays de toutes les mafias qui gangrènent le secteur de l'agriculture et en particulier la mafia de la viande.