La scène d'une patera ou d'un zodiac à la dérive au large d'Almeria avec plusieurs personnes à bord est une scène habituelle pour les gardes-côtes et les habitants de cette localité espagnole, surtout depuis le retour du beau temps en Méditerranée. Par chance, le Disney Majic était là Pas pour les passagers du navire de plaisance Disney Magic battant pavillon panaméen, qui croisait vendredi soir au large de cette côte où les criques et les plages succèdent aux criques et aux plages, devenue depuis 2006 la destination privilégiée des harragas algériens. Une soirée de week-end bien arrosée, le silence de la nuit et le calme plat de la mer incitaient les vacanciers du navire de croisière à un sommeil profond que même le vacarme provoqué par un mouvement inhabituel de l'équipage sur le pont n'est pas venu perturber à l'aube du samedi. Depuis le hublot de sa cabine, une passagère avait-elle suivi en partie la scène ? Une panne de moteur ? Un contrôle routinier des gardes-côtes ? Un acte de piraterie ? Rien de tout cela puisque le navire a mis le cap sur Barcelone qui ne figurait pas au départ parmi les escales dans le programme de croisière. Au lever du jour, le commandant de bord avait réuni tous les passagers pour leur expliquer qu'il y avait parmi eux 18 autres passagers, dont deux femmes et un mineur de 15 ans, tous des Algériens qui tentaient de joindre Almeria et dont le zodiac était en dérive depuis quatre jours. Ces harraga recevront de la nourriture, de l'eau et les premiers secours médicaux pour des cas de déshydratation et d'hypothermie. Au port de Barcelone, les gardes-côtes, la presse et une unité de la Croix-Rouge espagnole sont déjà là. Un GPS ultrasophistiqué Le commandant remet aux autorités policières un lot de matériel de navigation utilisé par les 18 harraga durant la traversée : un GPS dernière génération, une dizaine de portables, des boussoles, une lanterne, et autres accessoires nécessaires à la navigation maritime. Le Disney Magic lèvera l'ancre, laissant sur place le groupe d'algériens qui avaient échappé par la grâce de Dieu à la violence des vents qui avaient soufflé sur la rive sud de la Méditerranée le soir de ce vendredi même où ils apercevaient déjà les lumières de Almeria. Au commissariat du port, une fois les secours apportés aux personnes les plus affaiblies par la traversée, les policiers espagnols veulent connaître le nom des ou du patron. Ils ne tarderont pas à le savoir. Il s'agit de B.S., un oranais âgé de 29 ans, que certains passagers n'ont pas hésité à dénoncer. Ces derniers n'ignorent pas, en effet, que la loi espagnole expulse sur-le-champ les harraga, après les formalités administratives d'usage, mais pas les organisateurs de la traversée qui doivent être présentés devant la justice. Le patron du zodiac, un délinquant C'est le cas de B. S. dont le nom vient s'ajouter à la liste de la dizaine d'autres patrons d'embarcations de fortune déjà interceptées dans les mêmes conditions à l'approche des côtes espagnoles. Tous ont comparu devant la justice et devront purger une peine d'au moins deux ans pour trafic de personnes et atteinte aux droits des étrangers, payer de fortes amendes avant d'être renvoyés vers leur pays d'origine. B. S. a été entendu mardi par un juge catalan. Sa peine risque d'être encore plus élevée car c'est un récidiviste puisqu'il était recherché en Espagne d'où il a été expulsé à deux reprises pour avoir déjà commis plusieurs délits de droit commun. Selon les services de police espagnole, ce dernier s'est spécialisé dans le trafic des personnes depuis sa dernière expulsion qui remontre à quatre ans. Si le dossier de B.S. et des 14 autres passagers ne pose pas problème pour la police et la justice, celui du mineur et des deux femmes, si. Pour des «raisons humanitaires», la procédure de reconduite vers le territoire national de ces trois personnes risque de prendre du temps. Un temps suffisant en tout cas pour les associations de protection de la famille et du mineur qui plaident contre les expulsions des «personnes en détresse».