Hier matin, un communiqué de la gendarmerie nationale espagnole tombe comme un couperet sur le fil des agences de presse espagnoles.Il n'y a plus aucune chance de retrouver vivants les deux Algériens emportés par une mer houleuse, au large de Cabo de Gata, (Almeria) où, samedi en soirée. Leur patera (barque de fortune), en provenance de la côte oranaise, venait de faire naufrage, avec onze personnes à bord. 9 d'entre eux ont pu être sauvés, sitôt l'alerte donnée deux heures auparavant, mais pas les deux autres qui sont tombés à l'eau, au moment où s'effectuaient les secours de nuit et par une mer quelque peu démontée, ce qui avait compliqué la tâche des secouristes. La décision d'interrompre les recherches a été prise «la mort dans l'âme» par les secouristes, selon une «source» proche de ces équipes qui effectuent régulièrement ce genre de sortie en mer. Deux jours d'incessantes et vaines recherches par des moyens divers, vedette des gardes-côtes, hélicoptère et mobilisation d'équipes au sol qui faisaient les plages et les criques de la région dans l'espoir que la mer ait pu rejeter les cadavres de ces malheureuses victimes. Leur embarcation avait pu être localisée, le lendemain dimanche, à 12 miles (23 km) du lieu du naufrage, emportée par un courant assez fort, ce qui a fini par décourager les secouristes après une journée supplémentaires (dimanche) de vaines recherches. A moins de 3 km de la côte espagnole Pourtant, pour ces malheureux candidats à l'émigration, tous des jeunes, l'espoir était grand de pouvoir gagner la côte espagnole, samedi en fin d'après-midi, lorsqu'ils avaient commencé à percevoir les lumières des localités côtières. Ils se trouvaient à seulement 2800 mètres de la crique de Morrón de los Genoveses, près de Cabo de Gata. Soit à moins d'une heure du rivage qu'ils avaient programmé dans le GPS. Les patrons des embarcations – ou les «maffias, c'est selon le vocabulaire de la police – connaissaient bien cette destination privilégiée des Algériens depuis 2006. Depuis cette date, certains, un petit nombre, ont pu gagner la côte espagnole, avant que la Marine nationale algérienne et la Gendarmerie espagnole ne mettent en place des dispositifs plus efficaces pour contrôler cette «route». Moins chanceux, mais heureux d'être rescapés en haute mer, sauvés d'une mort atroce et certaine, beaucoup d'autres ont été réadmis vers le territoire national. Pour les autres, comme c'est le cas des deux dernières malheureuses victimes qui pensaient trouver le bonheur de l'autre côté, on ne connaîtra jamais exactement leur nombre. M. Benmeddah, président de la Fédération des associations d'immigrés algériens à l'étranger donne un chiffre effrayant qui en dit long sur la dimension de la tragédie : 600 cadavres d'Algériens repêchés par des chalutiers ou rejetés par la mer attendent d'être identifiés quelque part dans les morgues espagnoles. La tragique scène de samedi est assez courante, depuis la fin de l'hiver. La veille, vendredi, une patera avec 13 Algériens à bord avait été interceptée au large de Cabo de Gata alors que la nuit commençait à tomber. Tout comme celle de samedi, cette patera avait été localisée par les gardes-côtes espagnoles au moment où elle n'était plus qu'a 7 km de la côte espagnole. A bord, 13 jeunes gens, «tous des célibataires et en bonne santé», sains et saufs. La Croix-Rouge espagnole était là, comme toujours, en même temps que les secouristes, avec son équipe de médecins et d'infirmiers, des volontaires avec vivres et médicaments. Une fois les premiers soins terminés, les rescapés sont immédiatement transférés vers Almeria en vue le leur expulsion vers l'Algérie. Ceux-là, ils ont eu plus de chance. Ils sont rentrés chez eux. Tragique mais en même temps étrange destin que celui de ces jeunes Algériens. Pendant que les agences de presse annonçaient la fin des recherches des disparus algériens, les journaux espagnols à grand tirage annonçaient que 4000 travailleurs étrangers, hors Union européenne, ayant perdu leur emploi ont accepté la proposition du gouvernement espagnol de retourner dans leur pays d'origine et pouvoir bénéficier ainsi, une fois chez eux, de la totalité de ce que leur doit la sécurité sociale espagnole. Certains, bien sûr, pensent que la récupération économique en Espagne est pour bientôt, rien de plus faux selon les officiels et le FMI, «préfèrent garder la résidence que de prétendre au bénéfice des droits au chômage». D'autres, plus raisonnables, ont compris. Ce sont, pour la plupart, des ressortissants des pays latino-américains.