La situation demeure confuse au nord-est du Mali où de violents combats opposent, depuis vendredi soir, l'armée mauritanienne à des groupes d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz supervise personnellement l'opération depuis le siège de l'état-major de l'armée à Nouakchott. Les hostilités ont débuté vendredi en fin d'après-midi dans la localité malienne de Hassi Sidi, non loin de la frontière avec la Mauritanie, où une unité de l'armée mauritanienne s'est accrochée avec un groupe d'Aqmi. Après une interruption de quelques heures, les affrontements ont repris hier matin, engageant l'artillerie lourde. Les rares informations provenant de la zone des combats de Khweibet Ras El Ma indiquent que les unités militaires mauritaniennes ont reçu d'impressionnants renforts et qu'elles bénéficient d'un appui aérien. Une navette «non habituelle» d'avions militaires est par ailleurs observée à l'aéroport de Néma, en Mauritanie, où l'on note une présence «remarquable» de véhicules militaires. Des militaires français participeraient à l'opération, contrairement aux dénégations du Quai d'Orsay qui a infirmé hier la présence d'unités militaires françaises sur le terrain des combats. Des habitants de la région de Kidal (à 1600 km au nord-est de Bamako) avaient affirmé vendredi avoir vu un avion de reconnaissance français survoler la région à basse altitude. Une source algérienne a confirmé l'information. Le groupe Abu Zeid encerclé Les pertes seraient lourdes des deux côtés. L'armée mauritanienne aurait perdu au moins 15 de ses soldats, et plusieurs de ses véhicules sont tombés entre les mains d'Aqmi. Des nomades maliens ayant assisté de loin aux combats parlent, eux, de la mort de plusieurs soldats mauritaniens. L'organisation terroriste aurait perdu, quant à elle, 12 à 14 éléments, si l'on se fie à des sources militaires en Algérie et au Mali. Nouakchott a déploré deux morts et quatre blessés dans ses rangs, précisant avoir neutralisé 12 terroristes et en avoir blessé «des dizaines». Plus important, il affirme que son armée encercle actuellement une vingtaine de véhicules des éléments armés d'Aqmi près de la localité malienne de Areich Hindi, non loin de Hassi Sidi, où les combats de vendredi s'étaient déroulés. Selon des officiers mauritaniens de haut rang, les éléments d'Aqmi, dirigés par le sinistre Abu Zeid, seraient encerclés et fixés au sol, «sans perspective de mobilité». Les mêmes sources ont indiqué que «l'offensive militaire lancée le 17 septembre contre Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a été préparée depuis longtemps». A Bamako, le président Amadou Toumani Touré a déclaré que le Mali est en état d'alerte après l'enlèvement des 7 employés d'Areva au Niger. «Le Mali est mobilisé, nous avons mis toutes nos forces en état d'alerte, nous soutenons l'armée nigérienne dans cette quête» (la recherche des otages, ndlr). Le chef d'Etat malien a affirmé, en outre, que son gouvernement a permis à tous les pays riverains de faire des poursuites «si éventuellement les assaillants rentraient en territoire malien», dans une allusion aux combats qui se déroulaient au Mali entre l'armée mauritanienne et les groupes d'Aqmi. Les Touareg dans le box des accusés De fortes présomptions pèsent sur les ex-rebelles touareg dans l'enlèvement des 7 employés d'Areva au Niger. Preuve de leur implication, suggèrent les correspondants de presse, les ravisseurs enturbannés parlaient «majoritairement» arabe et tamasheq. Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, a avancé que les preneurs d'otages pouvaient «être des Touareg» prêts à vendre ensuite leurs victimes aux «terroristes». Des intellectuels et autres prétendus connaisseurs du monde touareg lui ont emboîté le pas pour rappeler que la fin de la rébellion touarègue au Niger a «laissé sur le carreau» de nombreux insurgés, une condition confirmée par ailleurs par Boutali Tchewiren, l'ancien porte-parole du Mouvement des Nigériens pour la justice, qui a avoué que «les promesses d'insertion socioéconomique des ex-combattants n'ont jamais été tenues». La radio publique nigérienne s'est mêlée au débat, indiquant que les rapts de jeudi «interviennent au moment où l'on déplore dans la région d'Agadez (nord du Niger) la persistance de l'insécurité après le désarmement des ex-combattants touareg». Ne volant pas demeurer en reste, l'historien nigérien Djibo Hamani a évoqué le cas de égens qui, après avoir participé au mouvement de rébellion, trouvent un moyen facile d'amasser de l'argent «en prenant part à des enlèvements». «Avec une kalachnikov et en une seule opération, ils ont de quoi vivre toute une année», avait-il avancé vendredi sur une radio privée. Un spécialiste français de la région, Pierre Boilley, directeur du Centre d'étude des mondes africains (Cemaf) au CNRS, a souligné que «les collusions entre Touareg et islamistes, quand elles existent, sont d'ordre matériel, pour l'argent, plus que militantes». Il est vrai que la misère dans laquelle sont maintenues les populations touarègues du Mali et du Niger, surtout, est sujet d'inquiétudes. Mais chaque partie interprète la question selon ses propres intérêts. Si, pour le président malien, le développement est la réponse à donner au terrorisme qui se nourrit, selon lui, du sous-développement et de la précarité, pour les autres, les Français en particulier, la sécurité des sites miniers stratégiques d'Areva prévaut sur tout le reste.