En l'espace de 10 ans, entre 1980 et 1990, l'immense forêt du Frais-Vallon a complètement disparu pour laisser place à des constructions volumineuses érigées sur les pentes abruptes de Djebel Koukou. La spéculation immobilière qui a suivi durant la décennie noire a fini par avoir raison des moindres espaces verts, transformant tout le versant nord de Djebel Koukou en un immense chantier qui n'en finit toujours pas. L'équilibre naturel de la montagne est rompu, la terre fragilisée et rien, absolument rien, ne pouvait plus retenir les eaux de pluie, surtout que le réseau de collecte et de drainage s'est retrouvé sous-dimensionné, à la suite de l'aménagement de la route menant de Bab El Oued à Chevalley. Le collecteur principal qui recevait à chaque averse quantités de boue, gravats et autres matériaux hétéroclites drainés par les torrents finira par être totalement obstrué lorsque, le 10 novembre 2001, une tempête d'une rare violence frappa Alger et ses environs. Toute la nuit qui précéda la catastrophe, des trombes d'eau sont descendues du ciel. La pluie qui est tombée sans discontinuer était accompagnée de violentes bourrasques de vent qui ont balayé tout l'Algérois, arrachant les arbres et les toitures des maisons. L'oued, assagi pendant plusieurs décennies, s'est brutalement réveillé. Des milliers de mètres cubes d'eau dévalant des hauteurs de Bouzaréah, de Notre-Dame d'Afrique, d'El Kettar, de Climat de France se déverseront, pendant des heures, sur les différents quartiers de Bab El Oued. Des maisons sont inondées et leurs occupants meurent noyés. Des dizaines d'automobilistes, pris au piège, finiront ensevelis sous la boue à l'intérieur de leur véhicule. Des centaines de citoyens seront happés par les crues qui les jetteront dans la mer. La catastrophe, survenue au moment où les élèves rejoignaient leurs écoles et les employés leur poste de travail, fera plus de 700 morts, un chiffre inimaginable pour une ville censée être la mieux urbanisée du pays. Des milliers de citoyens se retrouvent du jour au lendemain dans la triste condition de sinistrés, leurs habitations ayant été détruites par la furie des eaux. Trois jours durant, les opérations de secours se poursuivront sans relâche pour faire face à une situation exceptionnelle, peut-être jamais vécue depuis l'indépendance du pays. Il faut remonter aux années 1920 où, dit-on, le quartier a vécu des inondations similaires qui finiront par convaincre les autorités coloniales de ne point lotir les sites en amont de la localité. Déclarées inconstructibles, plusieurs zones de Bab El Oued demeureront en l'état jusqu'à ce que la frénésie de la construction s'emparât des Algériens. Des leçons, la catastrophe de Bab El Oued en a beaucoup données, et en premier, l'interdiction absolue de construire sur les lits d'oueds, outre la poursuite des programmes d'aménagement urbain, en particulier dans les nouvelles zones d'habitations et lotissements. Malheureusement, les Algériens donnent la nette impression qu'ils sont négligents, inconscients et oublieux. En témoignent les tragiques inondations de Ghardaïa en 2008 et celles actuelles d'Alger et de la Mitidja.