Généralement, lorsqu'un inculpé nie les faits qui lui sont reprochés, il ne va pas plus loin. Il s'en tient au fameux concept : «Je suis innocent.» Ammar, 27 ans, demande justice. Il insiste. Il va même jouer le propre rôle de la police judiciaire. Il donne les cordonnées du vrai voleur. Il donne même des coordonnées précises. «Madame la présidente, le vrai voleur n'est autre que le frangin d'un... policier. Et comme tout être humain qui a un cœur, il est couvert. Je suis même sûr que son frère l'ignore», avait-il lâché devant une présidente pas pressée du tout d'en finir avec cette affaire de vol. Elle est si minutieuse qu'elle va laisser le détenu dire tout et n'importe quoi, jusqu'au moment où elle... L'inculpé de vol refuse le délit devant Samira Kirat, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs de la cour d'Alger. Il dit doucement : «Ce n'est pas pour cela que je suis détenu. Cette fois-ci, on s'est gouré. Ce n'est pas moi le voleur, je le jure...» «Cessez de jurer et dites au tribunal ce qui vous a amené ici», tonne la présidente, pas décidée à s'amuser ni à sourire. Le détenu, un grand gaillard de plus d'un mètre quatre vingts mais tout de même encore jeune, a une bizarre expression. Il a une tête franchement d'un détenu qui n'a rien à se reprocher, cette fois en tout cas. Alors, il va presque réciter : «Je suis un récidiviste. J'ai même un bon casier garni. Mais pour cette affaire, je n'y suis pour rien. Le vrai voleur dans ce dossier est le propre frère d'un policier. Faites votre enquête et vous allez vous rendre compte que cette fois, c'est du blanc. Oui, il y eut une bagarre mais pas de vol. Je n'ai rien volé.» Il souffle cinq secondes, ce sacré Ammar L. «Et le matériel trouvé sur vous ? Le tournevis par exemple faisait quoi entre vos mains ?», demande Kirat. «Ce tournevis était chez l'homme avec qui je me suis pris en termes violents d'abord et puis d'aller vers une bagarre où j'ai été vainqueur. Le vaincu est dehors et moi dedans, devant vous en train de m'échiner à vous convaincre que l'on vous a leurrée !» «Le tribunal attend toujours ce que vous refusez de reconnaître», assène la magistrate qui commence à entrer dans le tunnel du doute en se demandant peut-être intérieurement si ce drôle de coco dit la vérité ou non ! Et même si ce drôle de coco disait la vérité, surtout qu'il avait dit à haute voix qu'il s'était bagarré avec un autre et qu'il avait pris le dessus. Ce qui l'avait plutôt blessé, c'est que le vaincu soit dehors et lui dedans pour un délit qu'il refuse obstinément d'endosser. «Ainsi vous persistez à nier ? C'est votre droit», articule sans ton Kirat, cette présidente qui n'aime pas s'éterniser devant un inculpé venu nier, espérant ainsi s'en tirer à bon compte. Or, tous les magistrats du siège ont tout le temps pour entendre un justiciable, quel que soit son statut ! Et cette juge sait le faire tout en tapotant sans bruit la tête du stylo de service sur son pupitre. Naïma Amirat, la procureure qui avait à un moment cessé de sourire, demande une peine de prison ferme de deux ans. Et ce sera le verdict annoncé par la magistrate en fin de rôle comme quoi un inculpé coupable a le droit de tout entreprendre. La justice a toujours son mot à dire.