Au tribunal de Boufarik (cour de Blida), deux jeunes sont poursuivis pour vol d'un petit troupeau de moutons. Ils sont tous deux debout face à Khetabi qui fait une tête, mais alors une tête, devant l'attitude d'un des deux détenus : «Alors, vous continuez à ne pas reconnaître votre fâcheux geste», demande, sans articuler la juge qui a vite la réponse : - «Tout juste, Mme la présidente. Je ne peux pas reconnaître un délit que je n'ai pas commis» dit Nejar S. - C'est moi le voleur. Il n'y est pour rien, coupe sans qu'on lui demande son avis Kadi L. - «Vous, taisez-vous. Vous aurez toute latitude de placer un mot et même plus lorsque le tribunal le jugera utile», tonne la magistrate qui sait par expérience que les jeunes inculpés du délit de vol (article 350 du code pénal) lorsqu'ils sont entendus sur des PV au siège des services de sécurité ou lorsqu'ils contresignent leurs auditions devant le magistrat instructeur croient s'en sortir le jour du procès en niant les faits. Le client de Me Bachir Chabane a de suite reconnu les faits face à Mme la juge de Boufarik (cour de Blida) avec ceci de particulier : «J'étais seul lors du méfait, mon codétenu n'y est pour rien. Le chauffeur du minibus est formel ce codétenu n'est pas l'inculpé principal». La juge insiste pour que l'on évoque un malfaiteur en fuite qui accompagnait probablement le prévenu principal, en l'occurrence Kadi, Me Rachid Morsli, le conseil de Nedjar le codétenu, pose une question au conducteur du bus relative à la rencontre avec le codétenu. «Je ne le connais pas, je ne l'ai jamais vu et surtout pas à 5h du matin, au départ du bus depuis Hadjout» dit le témoin de Me Morsli, qui respire mieux en pensant aux moutons qui manquent. Me Chabane et Me Benamghar tentent d'éclairer le tribunal. Pour la victime, le jeune conseil rejette les affirmations de l'inculpé : «Les faits sont prouvés, nous demandons à titre de dommages 80.000 DA qui incluent le prix du mouton». Pour Abderrahmane, Me Morsli sort de son silence et proteste contre le fait que c'est à la défense de prouver l'innocence de son client, «c'est à la victime, au ministère public de prouver la culpabilité», souffle l'avocat qui martèle que Nedjar est surtout victime de déclarations contradictoires. «Il vous l'a dit les yeux dans les yeux Nedjar ne connaît pas le détenu. Il était avec lui dans le bus, c'est une coïncidence, c'est tout», explique le défenseur qui demande la relaxe. Me Chabane plaide pour Kadi. Il a la tâche très aisée car son client a non seulement reconnu les faits, mais encore a tout pris sur lui. Le conseil prend la précaution cependant de ne pas mener des attaques en direction de l'instruction qui n'a rien donné. Heureusement, à l'audience «tout a été remis en cause, il y a eu revirement de la part de mon client qui a regretté d'avoir emmené avec lui Nedjar, il a joué franc jeu, il a mérité de larges circonstances atténuantes», a souligné le défenseur. La présidente laisse planer le suspense en laissant de côté le dossier pour rendre le verdict en fin d'audience : Khaled le principal inculpé a écopé de huit ans de prison ferme. Nedjar, qui a eu l'outrecuidance de nier à la barre les faits a eu un an ferme de prison. Le frais condamné est hagard. Il dit ne pas comprendre ce verdict. Me Morsli l'a pris avec philosophie, faisant mine d'ignorer qu'en appel, les choses iraient mieux. Effectivement, en appel il a été bel et bien relaxé. Il est bon de savoir que l'appel a été créé pour rectifier d'éventuelles erreurs de la première instance. Au tribunal, les attendus sont rédigés sur la lecture assez souvent des PV d'audition. Devant la chambre d'appel, beaucoup de magistrats vont vers les attendus avec une souplesse parfois allégeante pour les inculpés. Tant mieux pour la justice et tant pis pour le mouton. C'est la fête demain et bon Aïd El Adha.