Le Temps d'Algérie : Peut-on considérer que la situation socioéconomique tunisienne est semblable à celle de l'Algérie ? Y a-t-il des points communs qui peuvent contribuer à une révolte du peuple algérien ? Mustapha Mekidèche : Il faut souligner que l'économie tunisienne présente quelques fragilités. Le taux de croissance a subi les effets de la crise économique mondiale. Les secteurs du tourisme et de l'industrie ont été confrontés à la crise économique européenne. En termes de capacité humaine, la Tunisie possède une ressource assez importante ayant bénéficié de formation mais ne trouvant pas d'emploi. Quant à la fragilité de l'économie algérienne, elle est connue. C'est une économie peu diversifiée et qui s'appuie sur les hydrocarbures comme seule source de revenus. En 2009, nous avons vu comment les recettes ont baissé de manière considérable sous l'effet de la baisse des cours pétroliers. Grâce à des réserves de change et du fonds de régulation des recettes, l'Algérie a pu amortir le choc. Mais, lorsqu'il y a eu l'augmentation des cours mondiaux des produits alimentaires, l'Algérie a connu une vraie tension sociale. Sur ce plan, nous sommes face à un problème sérieux. Aujourd'hui, les hydrocarbures sont à plus de 90 dollars. Cela va contribuer à améliorer le niveau des réserves de change et les recettes du fonds de régulation. Des réserves qui permettront d'adopter une politique sociale. Ce qui n'est pas le cas de la Tunisie qui ne dispose pas de ces instruments de régulation et de contrechoc. Mais les deux pays font face à la problématique de l'emploi des jeunes. Un problème qu'il ne faudrait pas négliger. Des universitaires ne trouvent pas d'emploi. C'est un problème sérieux, car il faudrait créer de l'emploi surtout pour les primo demandeurs. En Tunisie, le point de départ de la révolte était signalé dans la région du Sud, où les médias notamment tunisiens ont évoqué le déséquilibre régional en matière d'accès au développement socioéconomique. Qu'en pensez-vous ? Effectivement, les richesses ne sont pas réparties de la même façon sur l'ensemble du pays. Les zones côtières du nord tunisien ont bénéficié plus d'équipements et de possibilités d'emploi que les régions du sud. Au sud, le chômage est plus important et les populations sont plus pauvres, d'où le développement des émeutes et des contestations. Il existe un problème d'équilibre régional qui faudrait prendre en charge. Les effets de développement en Algérie sont totalement différents. Il existe une répartition entre les différentes régions du pays avec l'émergence de pôles économiques régionaux. Que ce soit sur le plan des infrastructures ou de service public, il y a eu une démarche d'aménagement du territoire national équilibré, alors que l'Algérie est un pays continent. Je peux citer le projet de transfert d'eau dans la wilaya de Tamanrasset, d'électrification et de pénétration de gaz. Mais, pour l'emploi, il reste des efforts à accomplir. Le défi pour l'Algérie demeure la diversification de son économie… C'est une tâche colossale. Il va falloir encourager le secteur privé créateur de richesses et d'emploi. L'appui à l'entreprise est fondamental. Il a lieu d'accélérer cette politique d'appui, parce que c'est les entreprises qui vont prendre la responsabilité de diversifier l'économie, de créer la richesse et de créer de l'emploi. Il ne faut pas compter uniquement sur les administrations et les institutions dans la politique de création d'emploi. Sur ce plan, nous avons accusé beaucoup de retard. Il faut penser au développement du secteur de la PME et à la création de grands groupes industriels qui devront investir à l'international. C'est un grand chantier. Mais il est urgent de le lancer. Propos recueillis par