Le monde du football algérien est en ébullition. Il faut dire que la saison en cours a vu la mise en place du professionnalisme et il est extrêmement ardu de faire changer de réflexes à des clubs gérés depuis de nombreuses années sur un mode amateur mais où l'argent circulait avec une facilité déconcertante sans contrôle efficient. Le pire est que l'argent utilisé émanait de fonds publics et ceux qui avaient en charge de surveiller de près son utilisation ont presque failli à leur mission. Nul ne contestera le fait que durant les années 90, où le pays traversait une période dramatique sur fond de terrorisme, les clubs ont activé, usé d'argent public dans des opérations difficiles à prouver, puisque le paiement se faisait au comptant avec des liasses de billets de banque dans des sachets en plastique noir. Aujourd'hui, tout ce monde-là est appelé à s'intégrer dans le moule du professionnalisme où il est question d'impôts, de transactions financières par le biais des banques, de fiches de paie et de sécurité sociale. Difficile de transvaser des adeptes de la culture de la gestion obscure dans le pot de la gestion cohérente et parfaitement transparente. Ces responsables-là sont, donc, appelés à suivre les règles et à s'y conformer sous peine d'être mis à la porte du système. Les réticences des investisseurs Ces dirigeants sont, pour la plupart, toujours à la tête de ces clubs. On conçoit que la pâte a du mal à prendre et à lever même si vous y mettez un maximum de levure. Ils ont accepté de se lancer dans l'aventure du professionnalisme avec tout ce que ce concept requiert comme savoir-faire en matière de management, alors qu'ils n'en ont pas les compétences. Si on n'admet pas un tel fait, on rendrait un très mauvais service au football algérien. Du reste, il n'y a qu'à se demander pourquoi les investisseurs hésitent à entrer en scène. Ils ne veulent pas mettre leur argent dans une affaire où ils risquent de ne pas avoir la mainmise sur le club tant ces dirigeants s'accrochent à leur poste. D'où les difficultés de ces derniers à mener leur barque en ce moment, quand on sait que l'argent joue un rôle essentiel quand on se dit professionnel et que l'on vit de ce sport. D'où également la pression qu'ils exercent sur le pouvoir politique pour que leurs clubs accèdent aux fameux 10 milliards de centimes que l'Etat a décidé d'octroyer à chacun d'eux à titre de prêt à taux d'intérêt infime. Pourtant, les responsables du sport du pays n'ont eu de cesse d'expliquer que cette somme ne pourra être investie que dans un créneau porteur, un créneau qui ira dans le sens du développement du club et non pas dans des opérations qui concernent la prise en charge des joueurs et le paiement de leurs salaires. Or, quand on entend ces présidents de club, on a la nette impression qu'ils attendent ces 10 milliards comme un noyé le ferait pour une bouteille d'oxygène. Et s'ils sont dans une telle situation c'est qu'ils espèrent user de cet argent comme bon leur semble, surtout pour assurer leurs dettes vis-à-vis de leurs joueurs. Nous ne croyons pas un seul instant que tout ce beau monde-là cherche vraiment à rentabiliser cette somme par des actions concrètes qui vont dans l'amélioration du cadre de vie du club et de son développement. En l'absence d'investisseur il est bien obligé de se tourner vers l'Etat. Sétif sort de l'ordinaire Dans ce contexte-là, on est bien obligé d'admettre que ce dernier nous donne l'impression de faire dans le favoritisme. Au moment où les responsables de clubs se plaignent de ne pas voir la couleur de l'argent promis dans le cadre de l'aide au professionnalisme, on apprend que les autorités locales de la wilaya de Sétif ont décidé d'octroyer 5,2 milliards de centimes à l'ESS et de lui attribuer un terrain en pleine ville pour qu'il puisse y construire un hôtel. Nous ne cherchons pas à critiquer cette démarche mais nous ne manquerons pas de nous interroger sur la manière dont on s'y prend pour mener à bien la politique footballistique du pays. Les autorités locales de Sétif n'ont certainement pas usé de leur propre argent pour satisfaire l'ESS. Les responsables de la wilaya de Sétif qu'ils soient de la wilaya ou de l'APC n'ont, sûrement, pas mis la main à leur propre poche pour donner de leur argent à l'équipe de leur région. En un mot comme en mille, il s'agit d'argent public, donc du contribuable. Au nom de quelle logique un club comme l'ESS bénéficierait-il d'une telle générosité alors qu'un autre comme la JS Kabylie vient d'être privé du milliard de centimes qu'il recevait de la part de l'APW locale au titre de la subvention annuelle ? On indique que la JSK est devenue SPA et que par conséquent elle n'ouvre plus droit à cette subvention publique. Mais alors qu'est l'ESS sinon un club professionnel, une SPA comme l'est la JSK ? L'Etat se doit d'être équitable. Dans un même secteur d'activité s'il donne à l'un, il doit donner à l'autre sinon il entraînerait la colère du second, une réaction parfaitement justifiée. Nous parlons de la JSK mais en fait ce qui s'est passé avec l'ESS a complètement perturbé la donne et mis les autres clubs professionnels dans une grande situation de frustration. Imaginez les gens de Saïda dont le club vit au jour le jour, un club pratiquement sans sponsor. Que peuvent penser ces gens-là quand ils apprennent que le club de Sétif a obtenu une énorme manne financière de la part des autorités locales. Cela veut-il dire que celles de Saïda sont incompétentes ou radines ? Certainement pas. Il conviendra seulement de trouver les mots justes pour... justifier une telle pratique. Un challenge extrêmement difficile par les temps qui courent.