La prise d'otage effectuée dimanche à Tindouf par un groupe d'Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) qui n'a pas encore revendiqué cet acte de terrorisme, vise un triple d'objectif. Financier Le premier est financier. C'est le plus évident. Les ravisseurs ne tarderont pas à revendiquer cet enlèvement et poser leurs conditions aux deux pays d'origine des otages, l'Espagne et l'Italie, dont ils exigeront le paiement d'une rançon qui pourrait se chiffrer à des millions d'euros par personne. Le gouvernement espagnol a déjà payé pour faire libérer, en février 2010, les trois catalans enlevés en Mauritanie puis transférés vers le Mali par cette même organisation salafiste. En plus de la rançon, Madrid avait fait pression sur Nouakchott pour faire libérer l'émir Sahraoui, l'auteur de cette prise d'otage, comme l'avait exigé Aqmi. Le gouvernement Berlusconi a fait de même. Fallait-il donc s'étonner du recours systématique d'Al Qaïda à ce procédé pour assurer le financement des armes pour ses foyers encore actifs dans le nord de l'Algérie ? Le gouvernement algérien avait prévenu assez tôt les capitales européennes de ce danger, en les invitant à ne pas céder aux conditions des groupes terroristes commandés par Abdelhamid Abou Zeid et Mokhtar Benmokhtar qui ont établi leurs bases dans le nord du Mali. Depuis l'affaire des otages allemands, Aqmi aurait accumulé près de 50 millions d'euros, hors taxes prélevées sur le trafic de drogue dans la région. Le 11 septembre 2010 devant la Conférence Internationale sur le terrorisme organisée par les Nations unies à New York, le conseiller aux Affaires du terrorisme de la présidence de la République, Rezzak Bara, avait averti que le paiement des rançons allait encourager les prises d'otages. Les faits, hélas, ne l'ont pas démenti. Les gouvernements européens ont bien encouragé les prises d'otages depuis le jour où ils avaient accepté de payer pour obtenir la libération de leurs ressortissants séquestrés. Décourager les organisations humanitaires La prise d'otages de dimanche est doublement politique aussi. L'organisation terroriste a visé des membres d'organisations civiles étrangères qui apportent un précieux soutien humanitaire aux réfugiés sahraouis menacés par la famine. Ce sont ces organisations civiles, pour la plupart espagnoles, qui assurent le minimum vital à ces populations en raison de l'insuffisance de l'aide humanitaire internationale. Le président Mohamed Abdelaziz en a fait état dans la lettre qu'il a adressée, hier, au SG de l'ONU. Sous les pressions de la France, alliée du Maroc qui occupe le Sahara occidental, l'aide de l'Union européenne est dérisoire d'année en année. La présence en moyenne de cinquante bénévoles européens à Tindouf, tous acquis à la cause sahraouie, a toujours dérangé les autorités marocaines et les gouvernements occidentaux qui soutiennent l'occupation militaire du territoire sahraoui. C'est pourquoi l'enlèvement de trois de ces activistes qui n'ont jamais été autorisés à mettre les pieds dans la partie du Sahara occidental occupée a été accueillie avec beaucoup de satisfaction à Rabat. Le gouvernement marocain espère que cette opération finira par décourager ces missionnaires. Il espère aussi que le gouvernement demandera aux ONG de s'abstenir de se rendre dans les territoires libérés du Sahara occidental. L'isolement des camps de réfugiés sahraouis aura un impact favorable «au retour dans la mère patrie». Contre l'Algérie Les volontaires en charge de l'aide humanitaire ont déjà répondu qu'ils continueront plus que jamais à rester aux côtés du peuple sahraoui et à séjourner dans les camps de réfugiés. Le gouvernement Zapatero n'a fait aucune recommandation aux ressortissants espagnols allant dans le sens voulu par Rabat, pour isoler l'Algérie, car cette prise d'otages de Tindouf est dirigée aussi contre l'Algérie, le front le plus solide dans la région contre le terrorisme d'Aqmi, qui a été chassée des bases qu'elles tenaient dans le sud algérien. Par cette action audacieuse, l'organisation terroriste a voulu signifier sa capacité d'action hors de son fief malien. En ciblant l'Algérie, le terrorisme entend cibler le maillon fort. Le pays est en pleine expansion économique et vient de lancer un programme de réformes politiques profondes qui ne laissent aucune marge de négociation aux partisans de l'accès au pouvoir par la violence qui se positionne sur la scène politique algérienne.