Le 8 novembre 2010, plus de 200 Sahraouis avaient été arrêtés dans le camp de toile de Gdeim Izik, dressé à 15 km d'Al Ayoune, qui avait été pris d'assaut avec une rare brutalité par les forces de police marocaine pour disperser les 25 000 occupants de 7500 kheimas. Les supposés 24 meneurs indépendantistes sont placés dans le secret absolu à la «prison noire» de Salé, près de Rabat. Dans cette institution pénitentiaire de triste réputation, la torture des «ennemis de la cause nationale» est systématique. Parmi ce groupe des 24, Mohamed El Bachir Boutaguiza, présenté comme le chef des vigiles du camp de Gdeim Izik. Le quotidien El Mundo a pu le joindre par téléphone, vendredi, après son audition par le juge militaire qui l'a accusé d'être l'un des auteurs de l'«assassinat» des 11 membres des forces de l'ordre qui avaient pris part au démantèlement du camp de toile. Ce qu'il a nié, tout en reconnaissant pleinement son rôle dans la mobilisation politique du campement où ont été scandés des slogans favorables au Front Polisario et à l'indépendance du Sahara occidental, au moment des affrontements avec la police et la gendarmerie aidées par les colons marocains. «Les gardiens nous traitent comme des chiens» ! «El Bachir Boutaguiza, âgé de 39 ans, nous a rapporté dans un parfait espagnol avoir déclaré au juge militaire n'avoir tué personne». Par contre, il a reconnu et revendiqué son «combat politique pour l'indépendance du Sahara occidental» que le Maroc avait occupé en novembre 1975, écrit El Mundo. Dans la prison de Salé, «nos geôliers nous traitent comme des chiens», dit-il, en tenant à préciser que quelques «rares gardiens se montrent plus humains que leurs collègues». 22 des 24 prisonniers politiques sahraouis ont recouru, plusieurs fois, au seul moyen qu'ils avaient d'attirer l'attention de l'opinion publique internationale sur leur sort : la grève de la faim, dont la dernière remonte à la veille de l'ouverture de leur procès devant une juridiction d'exception. «Ahmed Sbai, l'un des grévistes de la faim atteint d'une maladie cardiaque est en train de mourir lentement dans sa cellule» à Salé où des «bastonnades quotidiennes nous sont servies chaque fois que nous entonnons des chants patriotiques», raconte Boutaguiza. «A Gdeim Izik on se sentait libres» ! Sa mère, Melainine Mohamed Ould Sidahmeh, ne pouvant plus effectuer plusieurs centaines de kilomètres depuis Al Ayoune s'est résignée à s'établir à Salé pour pouvoir lui rendre visite plus souvent. Devant la prison, «élégante dans son costume traditionnel aux symboles du Front Polisario», elle ne se prive pas de déclarer devant la presse internationale que «les seuls moments où elle s'est sentie enfin libre», c´était «pendant ces quelques jours dans le camp de toile de Gdeim Izik». Elle ne se rappelle pas la date de naissance de Mohamed El Bachir. «C'était quand les Marocains ont commencé à occuper le Sahara occidental, il devait avoir une année», dit-elle, en gardant son «éternel sourire pendant qu'elle envoie message sur message aux organisations civiles espagnoles pour les tenir informées du déroulement du procès. Elle décrit au passage les atrocités commises par les forces marocaines lors de la prise d'assaut de Gdeim Izik et les interrogatoires musclés de son fils par la police. «Ses tortionnaires écrasaient leurs cigarettes sur ses bras», dit l'un de ces messages adressés aux ONG qui sont interdites d'accès au Sahara occidental. «Prix René Cassin» pour Aminatu Haider Les protestations des organisations humanitaires internationales auprès du gouvernement marocain ne changeront rien au traitement inhumain réservé aux prisonniers sahraouis pendant tous les jours depuis le 8 novembre 2010. L'indépendantiste sahraouie Aminatu Haider qui mène un combat de tous les jours contre les violations des droits de l'homme et le droit du peuple sahraoui à l'indépendance en sait quelque chose pour avoir elle-même séjourné dans «la prison noire» marocaine pendant quatre ans dans le secret le plus absolu. Pour son combat qui est, également, celui de Boutaguiza et de ses 23 camarades, le gouvernement basque, lui a attribué, jeudi dernier, le «Prix René Cassin». Une distinction hautement symbolique pour commémorer le premier anniversaire de Gdeim Izik, le début du Printemps sahraoui.