Un projet de loi relatif à l'information en Algérie, qui consacre notamment l'ouverture de l'audiovisuel au privé, fait grincer des dents avant sa présentation lundi aux députés, des journalistes estimant qu'il est «répressif» et «encourage l'autocensure». L'article 2 du texte suscite de vives critiques. Selon des journalistes, il comporte des dispositions qui «prêtent à confusion» sur la question des informations «autorisées» ou «interdites». Pour Hacen Ouali, du quotidien francophone El Watan, «d'une manière générale, ce projet ne permet pas une réelle indépendance des médias dans un système globalement fermé». «Même s'il y a dépénalisation du délit de presse, il reste que l'esprit de la loi est répressif», a-t-il ajouté. Le projet de loi ne prévoit plus qu'un journal et un journaliste puissent, le cas échéant, être poursuivis devant la justice, mais seulement l'auteur d'un article. Mais «comment peut-on demander au journaliste de payer une amende faramineuse quand il est payé un salaire dérisoire», a souligné Fadhéla, journaliste arabophone. Le salaire moyen d'un journaliste en Algérie est de 40.000 dinars, soit 400 euros. «On risque de ne plus traiter certains sujets et de s'autocensurer par crainte de devoir payer une amende», a-t-elle déploré. «On va se retrouver entre le marteau et l'enclume. Faire notre travail et risquer de subir les foudres de la justice ou opter pour le silence pour être tranquille», a déclaré, avec beaucoup d'amertume, Ali, journaliste arabophone. Le directeur de publication du quotidien de langue française Liberté, Outoudert Abrous, estime au contraire que «pour la partie presse écrite, il y a des améliorations». «Il y a un article pour empêcher une concentration accrue et effrénée des médias. Une personne physique ou morale ne peut pas avoir plus de deux titres, un en arabe et un en français, sinon demain avec la crise que connaît la presse écrite, n'importe qui pourra entrer et devenir actionnaire principal dans tous les titres algériens», a-t-il ajouté. Concernant l'audiovisuel, Chérif Rezki, directeur de publication du quotidien de langue arabe El Khabar, a estimé que le projet de loi veut «placer l'Algérie dans un contexte démocratique» car «seule l'Algérie a son champ audiovisuel fermé en Afrique du Nord». Son journal est candidat à l'ouverture d'une chaîne. Le directeur de Liberté se désole de «tout le bruit que l'on fait autour des télévisions». «Il faut attendre le cahier des charges, Ce qui m'étonne, c'est le fait que tout le monde parle de créer une TV, comme s'il s'agissait de créer une petite entreprise», a-t-il ajouté. Il existe actuellement en Algérie cinq chaînes de télévision, cinq radios nationales et 47 radios locales, toutes publiques. Le secteur privé n'a jamais eu accès à ce secteur depuis l'indépendance en 1962. Mais depuis l'annonce il y a quelques mois de l'ouverture du champ audiovisuel au privé, de nombreux professionnels et hommes d'affaires s'étaient positionnés. Une première chaîne satellitaire privée a ainsi été lancée symboliquement le 1er novembre par le quotidien populaire Echorouk. La plupart des partis politiques estiment que l'ouverture de l'audiovisuel au privé doit inclure des garde-fous pour garantir la promotion de la démocratie et empêcher les détenteurs de fonds de monopoliser le secteur. Deux autorités de régulation devraient voir le jour, l'une pour la presse écrite et l'autre pour l'audiovisuel. Ce projet, tout comme la demi-douzaine d'autres qui constituent le train de réformes présidentielles promises par Abdelaziz Bouteflika le 15 avril, doit être voté avant la fin janvier, fin de la session d'automne qui sera aussi la dernière de ce Parlement avant les élections législatives de 2012.