L'ancien ministre français, M. Jean-Pierre Chevènement, président de l'Association France-Algérie, a appelé mardi à "faire bouger les lignes" entre la France et l'Algérie pour "regarder ensemble" vers l'avenir. "Il faut faire bouger les lignes entre la France et l'Algérie. Nous sommes deux grands pays qui doivent être capables, l'un et l'autre, d'assumer tout le passé et regarder ensemble vers l'avenir", a-t-il relevé dans un entretien à l'APS, affirmant "comprendre la mémoire douloureuse qui pèse sur les Algériens". "Elle l'est pour tous", a-t-il ajouté, soulignant que son origine "se trouve dans l'essence même du système colonial et son vice initial qui ont altéré durablement la relation entre nos deux pays". Pour Chevènement, "il y a une passion dans la relation-franco-algérienne qui me parait positive et chargée d'avenir qu'il serait dommage de laisser s'éteindre en se teintant progressivement d'indifférence, assurant rester pour sa part "fidèle à l'engagement de regarder vers l'avenir, travailler à l'amitié et à la coopération de nos deux peuples, grands pays riverains de la même mer qui s'unissent de liens humais exceptionnels". Le président de l'Association France-Algérie a estimé également que l'Algérie pourrait contribuer à travailler à cette amitié "par quelques décisions symboliques". "C'est un travail nécessaire, incontournable, patient, difficile. Sinon la +mémoire douloureuse+ risque d'être instrumentalisée et de produire encore aujourd'hui des effets politiques irrationnels du point de vue des intérêts de l'Algérie comme de la France", a-t-il dit. "Plutôt que chercher la cause des faits loin en arrière et chez les autres, nous servirons mieux nos patries en nous tournant ensemble vers l'avenir et en regardant chez l'autre ce qu'il y a de positif et qui peut être mobilisé dans l'intérêt mutuel", a-t-il poursuivi. De son point de vue, "il ne sert à rien d'entretenir les braises d'un passé douloureux", précisant que c'est la raison pour laquelle il a accepté de "grand cœur" en janvier dernier, de prendre la présidence de l'Association France-Algérie "pour désamorcer, autant que faire se peut, l'exploitation perverse de ce que vous avez appelé +la mémoire douloureuse+ et cela dans l'intérêt des deux pays". "C'est le sens du colloque qu'organisent à Paris, le 17 décembre l'association +l'Algérie et la France au XXIème siècle+. Dans le désordre international actuel, il faut privilégier la construction d'une entente politique très large entre nos deux pays", a dit M. Chevènement. Interrogé sur la reconnaissance officielle des massacres du 17 octobre 1961 et la recherche de la vérité sur cette répression dans le cas où il serait président de la République en 2012, le candidat Chevènement a rappelé que déjà, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, il avait "mené une enquête sur ces évènements". "Le caractère emblématique de cette manifestation, dans le contexte politique de l'époque (la fin de la guerre d'Algérie), lui donne son poids et justifie qu'elle puisse devenir le symbole de la lutte des Algériens en France", a-t-il dit. "L'aveuglement des hommes qui ont commandé cette répression la rend encore plus odieuse. Des Français nombreux s'associent aux Algériens pour en commémorer le souvenir. On ne peut cependant séparer cette répression disproportionnée de tous les massacres qui ont endeuillé cette période paroxystique et dont il m'est arrivé d'être le témoin", a-t-il dit estimant que seule la reconnaissance de ces faits "fera progresser la conscience". Sur le dossier de la circulation des personnes entre la France et l'Algérie, il a indiqué qu'en 1999, en sa qualité de ministre de l'Intérieur, il avait distingué le droit au séjour régi par la loi RESEDA et le droit de la circulation des personnes que "j'avais considérablement assoupli", a-t-il dit, ajoutant que le nombre de visas accordés par la France à des Algériens est alors passé en trois ans (1999-2002) "de 50 000 à 250 000 visas". "Je sais que cette politique a été resserrée par les gouvernements qui se sont succédé après 2002", a-t-il rappelé, jugeant cependant que "des visas ont été détournés pour nourrir une immigration irrégulière". Pour Chevènement, "les étrangers non-résidents comme les résidents doivent respecter la loi républicaine", ajoutant toutefois que "celle-ci doit rester attentive aux évolutions qui ont changé les caractéristiques de l'immigration algérienne en France". "Je sais que la législation européenne tend à privilégier les migrants venant de l'Est sur ceux venus du Sud. Cela n'est pas conforme à nos traditions et à notre histoire. Je suis intervenu auprès de l'actuel ministre de l'Intérieur et j'agirai demain pour que cette situation soit redressée. La France doit rester tournée vers la Méditerranée autant que vers le continent". Au sujet du durcissement par le gouvernement des règles applicables aux étudiants étrangers menacés d'expulsion au terme de leurs études, il a indiqué qu'il "ne partage pas non plus" les orientations de cette politique. "Bien sûr les étudiants algériens ont des devoirs envers leur pays, mais la France ne doit pas se retrancher hypocritement derrière la nécessité de ne pas priver les pays du Sud de leurs élites pour durcir la réglementation du séjour", a-t-il fait valoir. De son point de vue, "il faut mettre beaucoup l'accent sur les facilités de circulation (visas à entrées multiples) et accueillir plus facilement des étudiants qui veulent travailler en France. Ce sera aussi l'occasion pour eux de se former et d'acquérir des compétences qui seront ensuite utiles à Algérie". "Pour ma part, je me félicite de la contribution des Algériens et des Franco-algériens à la construction de cette identité euro-méditerranéenne, élément- clé d'un avenir partagé", a-t-il conclu.