Le nouveau ministre marocain des Affaires étrangères, Badreddine El Othmani, arrive aujourd'hui à Alger pour sa première visite à l´étranger depuis que le parti islamiste PJD est arrivé au pouvoir au Maroc en novembre 2011. Si le communiqué officiel publié à Rabat inscrit cette visite dans la formule diplomatique assez vague des «efforts engagés depuis quelque temps par les gouvernements des deux pays» pour renforcer leurs liens de coopération et ouvrir la voie à une intégration maghrébine en panne depuis trois décennies, il est évident que seule la réouverture de la frontière terrestre semble mobiliser la diplomatie marocaine. Le Premier ministre Abdallah Benkirane mise sur la nouvelle dynamique islamiste dans la région et les «changements démocratiques» dans son pays pour plaider en faveur de nouvelles relations avec l´Algérie. Concrètement, la diplomatie marocaine d´hier et d´aujourd´hui a un seul objectif immédiat : remettre sur la table ce dossier que l´Algérie veut voir traité dans le cadre global des relations entre les deux pays. Certes, la volonté politique de construire un ensemble régional viable existe des deux côtés. Cependant, les expériences passées ont montré les limites de ce volontarisme politique que les cinq pays de l´Union du Maghreb arabe (UMA) avaient relancé dès la fin des années 80, avec le séduisant et néanmoins pompeux projet de mettre en place l´union douanière commune à la fin de la décennie 90. Les autorités marocaines avaient attribué à la «Sécurité militaire» algérienne l´attentat de Marrakech en 1994, ayant coûté la vie à deux touristes espagnols. Rabat avait voulu visiblement enfoncer le clou pour accentuer la mise en quarantaine internationale de l´Algérie durant la décennie noire. Par dizaines de milliers, les touristes algériens et les émigrés de passage sont expulsés sans ménagements par la police du puissant ministre de l´Intérieur Driss Basri. Le gouvernement Sifi réagit en fermant la frontière terrestre par où transite le trafic d´armes et de drogue en provenance du Maroc. Le projet maghrébin est enterré et les relations entre les deux pays ne se remettront jamais vraiment de cette crise diplomatique. Tour à tour, le Maroc puis la Tunisie passent des accords d´association séparés avec l´Union européenne, s´engagent dans le dialogue avec l´Otan d´où l´Algérie est exclue par son SG, l´ancien ministre socialiste espagnol Javier Solana. L´UMA ? C´est du passé, l´avenir est avec l´Europe. Priorité à la stabilité politique et sécuritaire Le Maroc ne va pas tarder à subir les effets de l´instauration du visa aux Algériens, un acte contraire aux principes de l´UMA, suivi de la décision du gouvernement algérien de fermer la frontière terrestre. L´activité touristique enregistre une perte sèche de 3 milliards de dollars. La région ouest du Maroc est plongée dans une crise économique durable. Le gouvernement socialiste d'Abderrahmane Youssoufi fait de la réouverture de la frontière terrestre l´une de ses priorités. A cette fin, il sollicite le coup de main de la France et de l´Espagne qui porteront la question devant Bruxelles. C´est sans effet. Le président Bouteflika situe le débat dans son cadre global. «Les temps sont finis où le Maroc instaure le visa aux Algériens et le supprime quand ça l´arrange», dit-on du côté algérien. Cette fois, la conjoncture est à la stabilité politique et sécuritaire, marquée par sa percée sur la scène internationale et davantage aussi par son aisance financière. L´Europe n´y peut rien pour Youssifi. D´autant que la France joue à fond l´annexion du Sahara Occidental, perpétuant un conflit de décolonisation qui déstabilise la région maghrébine depuis plus de 35 ans. L´Algérie veut des relations assainies avec le Maroc pour une coopération économique et une intégration régionale durable. C´est ce message qui sera transmis au chef de la diplomatie marocaine qui, à l'instar de ses prédécesseurs, vient à Alger pour plaider séparément la réouverture de la frontière terrestre.