La crise économique et financière a entraîné un manque à gagner de près de 140 milliards d'euros par an pour la France, soit près de 7 points de produit intérieur brut (PIB), a révélé mercredi l'Insee, pour qui la récession en 2009 a été plus profonde encore qu'estimé jusqu'ici. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'économie française reste durablement affectée par la crise. Elle "n'a pas commencé à rattraper le +terrain perdu+ pendant la +grande récession+", souligne-t-il dans un "éclairage sur l'évolution de l'économie française depuis la récession de 2009". D'une manière générale, relève l'Insee, les pertes d'activité enregistrées dans d'autres pays lors de crises financières comparables n'ont "pas (été) rattrapées, même s'il y a des exceptions". "Deux ans après la sortie de récession, l'économie française retrouve tout juste le niveau d'activité de 2008, la production manufacturière demeurant même inférieure de plus de 5% à son niveau d'avant-crise", souligne-t-il encore. L'Insee a révisé en outre à la hausse son estimation de "l'ampleur de la récession" constatée en 2009, avec un recul du PIB porté à 3,1% contre 2,7% selon son estimation précédente, "recul historique" sans équivalent depuis la Seconde Guerre mondiale. A l'inverse, l'estimation "semi-définitive" de la croissance du PIB en 2010 a été relevée à 1,7% contre 1,5% annoncés précédemment, celle de 2011 étant maintenue à 1,7% également. Les sept points de PIB perdus chaque année depuis 2009 représentent "140 milliards d'euros d'activité en moins" soit "mécaniquement" 70 milliards d'euros de recettes fiscales "à l'horizon de deux ou trois ans" qui ont concouru à l'accroissement des déficits publics, a déclaré Eric Dubois, directeur des études et des synthèses économiques. L'Insee souligne avoir anticipé ce scénario médian dès 2010, envisageant un "retour progressif à un rythme de croissance" normal mais à un niveau inférieur à celui escompté avant la crise. Les deux autres scénarios envisagés à l'époque étaient celui d'un "rattrapage intégral" de la perte de croissance et celui d'un "décrochement durable". Dans le détail, l'Insee précise que seule l'industrie agroalimentaire a retrouvé fin 2011 son niveau de production d'avant-crise tandis que les autres industries manufacturières (biens d'équipement, matériels de transport et "autres") affichaient une activité inférieure de 5%. Pour la cokéfaction et le raffinage, les conséquences étaient plus lourdes encore avec une production en recul de 22%. La crise a eu également un impact durable sur le pouvoir d'achat individuel des Français. L'Insee qui l'avait encore annoncé récemment en progression de 0,4% en 2011, a revu sa copie mercredi pour annoncer finalement un recul de 0,1%. En corollaire, l'évolution de la consommation des ménages, principal moteur de la croissance économique en France, a été "très peu dynamique" en 2011 (+0,3% après 1,4% en 2010) tandis que le taux d'épargne s'est "un peu" redressé (+0,2 point à 16,1%), note encore l'institut. Celui-ci souligne par ailleurs que le taux de marge des sociétés produisant des biens et services non financiers a atteint fin 2011 son niveau le plus bas depuis 25 ans, en baisse de 1,5 point à 28,6%. Ce recul s'est accompagné d'une "chute" de leur épargne (-11,5%) et d'une "forte baisse" de leur capacité propre de financement (-14,6 points à 67,2%).