L'été, les vacances, Ramadhan, on savait que la vie politique en cette période n'allait pas être particulièrement active et enthousiasmante. Les Algériens avaient l'habitude d'un pays en position statique, mais on a fini, ces derniers temps, par leur faire croire qu'il y avait possibilité d'être surpris. Les formules, en dépit d'un louable effort de renouvellement et de mise à la page, sont toutes en phase de désuétude. D'un «pays au ralenti», l'Algérie du génie populaire et de la trouvaille cinglante est passée au stade de «pays en panne», avant de toucher le fond : «un pays à l'arrêt» ! Bien évidemment, et la question ne manque ni de pertinence ni de lucidité, se demander ce qui pouvait bien marcher au printemps et le reste de l'année, pour s'arrêter en été ! Mais c'est passé de mode, ça aussi. Il y a longtemps que le pays sautille douloureusement sur des béquilles, avant de… marcher sur la tête. Mais comme il est des situations où, à défaut d'espoir, on est condamné à croire à quelque chose, les Algériens se sont encore dit «pourquoi pas». Après tout, il n'y a rien à faire d'autre. L'été approchait, il faisait déjà chaud au printemps et Ramadhan est arrivé beaucoup plus vite qu'on ne l'attendait. S'ennuyer pour s'ennuyer, autant le faire avec quelque chose à se mettre sous la dent. Et puis, il y avait vraiment de quoi attendre un été et un Ramadhan pas comme les autres. On nous avait bien dit que les islamistes algériens, à la suite de leurs «frères» égyptiens, tunisiens et marocains, allaient faire une razzia sur les élections législatives parce que le printemps, c'est connu, est arabe dans tous les pays arabes ou ce n'est pas un printemps. Pour rattraper son «retard», l'Algérie s'est ainsi rapidement installée dans l'été, pendant que les autres désertaient déjà le printemps sans savoir vraiment où aller. Il fallait donc y croire. Les islamistes n'ont pas gagné, il fallait, même à l'orée de l'été et la proche perspective du jeûne, passer tout de même à autre chose. Mais voilà, les «perdants» ont crié à la fraude mais ne savent pas vraiment s'il faut faire de l'opposition en pleine canicule ou attendre l'automne. Les vainqueurs, quelque peu surpris d'être à ce point vainqueurs, ont été confortés dans leur «conviction» qu'on ne sort pas sans dégât d'un triomphe aussi spectaculaire. Alors ils ont continué à se crêper le chignon intra muros avec plus de véhémence parce que l'enjeu est devenu plus consistant. Mais tout le monde est vite fatigué, y compris ceux qui étaient dans la position «d'attendre un petit quelque chose». Parce qu'ils ne sont catalogués ni parmi ni les gagnants ni parmi les perdants, ils ont… attendu. Jusqu'à ce qu'il fasse trop chaud pour attendre le ventre creux. Le pays est à l'arrêt, mais il paraît que ça sert à quelque chose : on a la preuve irréfutable que pour les résultats qu'on connaît, beaucoup de ministères peuvent se passer de ministre. Il y en a même qui ont eu l'idée génial de proposer que «l'expérience» des ministères sans ministres soit généralisée à tout le gouvernement. Ce sera d'autant plus intéressant qu'on a apparemment beaucoup de mal à en former un. On sait que ce n'est pas facile de choisir des ministres qui jeûnent quand on a chaud, c'est déjà très compliqué de réunir ceux qu'on a sous la main. Il devait bien y avoir un conseil de gouvernement hier, mais personne n'en a entendu parler. Pas comme les auditions des ministres par le président, qu'on n'a pas encore vues en dehors des pages de journaux particulièrement persévérants sur la question. Il fait chaud et tout le monde a faim. Dans ces conditions, se peut-il que les Algériens attendent qu'il se passe quelque chose alors qu'on ne leur demande même pas d'attendre ? Difficile, surtout que le pays n'est même plus à l'arrêt, la dernière formule étant déjà devenue une vieillerie. Il faut absolument une quatrième formule avant que le temps ne se rafraîchisse, si le génie populaire n'est pas encore en panne. Slimane Laouari