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«L'indépendance, je l'ai vécue dans l'anxiété et l'attente, au cœur des négociations» Bestaoui Sidi Mohamed, cadre du Malg et secrétaire de Mohamed Boussouf :
Bestaoui Sidi Mohamed, cadre du Malg, a vécu les semaines et les jours qui ont précédé l'indépendance de l'Algérie au cœur des négociations entre le GPRA et la délégation française. Nous l'avons sollicité pour nous livrer cette petite entrevue : Le Temps d'Algérie: M. Bestaoui, que s'est-il passé durant les semaines qui ont précédé l'annonce de la date de l'indépendance ? Bestaoui Sidi Mohamed : Des bureaux du Malg, situés à Tunis, qui abritaient aussi le GPRA ,où j'étais chargé du secrétariat de Boussouf, j'ai assisté et participé à toutes les phases des négociations. Au début, ce n'était pas des négociations directes, mais uniquement des échanges de messages transmis à partir d'un téléscripteur installé par les Tunisiens et qui était manipulé par des cadres algériens formés dans les transmissions, en les personnes de Fardheb et Bendimered. C'était de cette manière que le GPRA négociait avec la partie française. Ces échanges ont-ils abouti à une entente entre les deux parties ? Ils ont abouti aux négociations de Meulin et c'est Boumendjel et Benyamin, avec l'opérateur radio transmission Rachid Hakiki, qui sont partis en France pour négocier tout en restant en contact permanent avec le Malg et le GPRA. Le soir, Boussouf m'avait dit : «Ces négociations ont abouti à une impasse à cause de points et de virgules et ont été rompues.» C'était donc l'impasse ? C'était l'impasse pour Meulin, mais Tayeb Boulahrouf, un fin négociateur et grand diplomate, a renoué le contact avec Matignon, notamment avec Michel Debré, et ont alors débuté les négociations d'Evian qui ont abouti à un accord le 17 mars 1962. Ce jour même, Boussouf m'avait envoyé à Evian pour récupérer les documents des accords. Le 18 mars 1962 à 20 heures, j'avais atterri à l'aéroport de Tunis avec deux grandes enveloppes entre les mains. L'une était destinée à Youssef Benkhedda, le président du GPRA, et l'autre au président tunisien, Habib Bourguiba. La paix pointait donc à l'horizon ? Après étude des documents de cet accord, les membres du GPRA sont tombés d'accord mais restait l'aval de l'état-major de l'ALN qui était basé à Ghardimaou. Boussouf m'a chargé d'informer Boumediène du contenu de l'accord. C'est ce que j'ai fait, mais Boumediène avait émis des réserves concernant certains points, mais qui n'étaient pas très importants. Boumediène avait beaucoup d'estime pour Boussouf, ils se respectaient mutuellement. Ils ont fini par s'entendre et l'accord avait été accepté par l'ALN. L'accord avait donc été entériné par la partie algérienne et le cessez-le-feu prenait effet à compter du 19 mars 1962, à midi. Une grande fête a été organisée pour la circonstance, a-t-on rapporté ? Il n'y avait pas eu de fête tout de suite, parce que les responsables étaient occupés à mettre beaucoup de choses au point, mais le 3 juillet 1962, Bourguiba avait organisé au stade El Minzah une fête géante en présence du président du GPRA, Benkhedda, de tous les cadres de l'ALN, les djounoud, les mouhajirine algériens et le peuple tunisien. Les deux présidents avaient prononcé chacun un discours. Ensuite, c'étaient les préparatifs pour le retour à la terre natale et personne ne pouvait retenir ses larmes de la joie. C'était beaucoup plus des liesses de joie à bord de camions chargés de personnes brandissant tous l'emblème national et entonnant des chants patriotiques entrecoupés de youyous qui fusaient de partout. C'était indescriptible, tant l'émotion émanait des tripes des personnes qui ont cru à cette indépendance jusqu'au bout. Et votre retour à Tlemcen, comment l'avez-vous vécu ? Vous savez, je n'avais pas revu Tlemcen depuis le 22 février 1956, date à laquelle j'étais recherché par la police. En signe de représailles, l'armée française avait fusillé mon père dans la forêt de Tzarifet, avec quatre autres personnes, Oujdi, Benamar, Dib et Rostane, dont les fils étaient partis avec moi à Oujda. Mon retour à Tlemcen s'est effectué en octobre parce que j'étais resté sur place, avec mes compagnons, pour déménager tous les documents du Malg et les archives de la Révolution. Que représente pour vous cette journée de l'indépendance de l'Algérie ? Pour quelqu'un comme moi, c'était une nouvelle naissance dans un monde de liberté après toutes les tortures subies durant ces années de colonisation où un peuple tout entier était réduit à toutes les formes d'épreuves inhumaines, à la misère, à l'exploitation et confronté quotidiennement à la mort ou aux pires sévices. L'indépendance est un acquis, un bien inestimable que nos jeunes doivent garder précieusement dans l'unité et par le travail et le développement et enfin pour regarder l'avenir, tout en se tournant vers ce glorieux passé pour se ressourcer. Entretien réalisé par Soufi Berrekallah