La Cour de cassation de Bahreïn a confirmé lundi de lourdes peines contre 13 dirigeants de l'opposition au risque d'alimenter le mouvement de contestation des chiites dans le petit royaume du Golfe. Condamnés pour complot contre le régime, les treize hommes, détenus depuis près de deux ans, sont des meneurs du soulèvement dirigé par l'opposition chiite qui a secoué le pays en février 2011 avant d'être maté par la dynastie sunnite. Il s'agit de sept opposants condamnés à la perpétuité, dont le militant des droits de l'Homme Abdel Hadi al-Khawaja qui a aussi la nationalité danoise et a mené jusqu'en mai 2012 une grève de la faim de 110 jours, et de six autres condamnés à des peines allant de cinq à quinze ans de prison. Parmi ces derniers figure Ibrahim Chérif, le chef sunnite du groupe Waëd, une formation de la gauche laïque, qui avait joué un rôle de premier plan dans le mouvement de protestation et a écopé de cinq ans de prison. "La Cour de cassation a confirmé toutes les peines", a indiqué un avocat de la défense. La séance a duré quelques minutes et les condamnés n'étaient pas présents. La police s'était déployée en force autour du siège du tribunal, devant lequel des militants de l'opposition se sont regroupés, scandant des slogans appelant à la libération des détenus, selon des témoins. Après la décision de la Cour de cassation, les 13 hommes ne peuvent plus faire appel. "Cette décision va alimenter la révolution", a réagi sur son compte Twitter cheikh Ali Salmane, chef du puissant mouvement chiite Al-Wefaq, estimant qu'une "réforme radicale" était nécessaire dans le pays. L'opposition traditionnelle dirigée par Al-Wefaq réclame l'instauration d'une monarchie constitutionnelle, mais un collectif radical, le "Mouvement du 14 février", à l'origine des manifestations les plus violentes, appelle à la chute de la monarchie. Le pouvoir n'a fait aucune concession de fond à l'opposition depuis l'écrasement du soulèvement, mais affirme avoir commencé à appliquer les recommandations d'une commission d'enquête indépendante sur la répression de la contestation. Malgré la répression meurtrière des manifestations à Manama de la mi-février à la mi-mars 2011, des rassemblements continuent d'avoir lieu régulièrement dans les villages chiites autour de la capitale et donnent lieu parfois à des heurts avec les forces de sécurité. L'opposition insiste sur le départ du Premier ministre, cheikh Khalifa ben Salmane Al-Khalifa, en poste depuis 1974 et sur la formation d'un gouvernement dirigé par un Premier ministre issu de la majorité parlementaire. Selon la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), 80 personnes ont trouvé la mort depuis février 2011. En décembre, Amnesty International a appelé à la libération des 13 opposants et estimé que la décision de la cour de cassation serait "un véritable test pour les autorités si elles veulent prouver qu'elles sont engagées à respecter et à protéger les droits de l'Homme". Un premier procès s'était ouvert en avril 2011 et les opposants avaient été condamnés en juin 2011 à des peines allant de deux ans de prison à la réclusion à perpétuité par un tribunal d'exception pour complot contre le régime. Le 30 avril 2012, la Cour de cassation a ordonné un nouveau procès en appel. Mais le 4 septembre, une Cour d'appel avait confirmé la perpétuité pour les opposants, parmi lesquels Hassan Mashaimaa, dirigeant du mouvement chiite Haq, Abdelwahab Hussein, c hef du mouvement islamique chiite Wafa, et un autre militant du Haq, Abdeljalil al-Singace, qui souffre d'une paralysie des jambes. Les condamnés ont été reconnus coupables de "conspiration pour renverser le gouvernement", et pour certains "d'espionnage".