C'est une première dans les annales du Front de libération nationale (FLN), estime la majorité des membres du comité central qui s'est réuni jeudi en session ordinaire pour le retrait ou le renouvellement de confiance au secrétaire général Abdelaziz Belkhadem. «L'opération de vote était démocratique (...) Le FLN a montré la voie.» L'organisation a été parfaite également sur tous les plans, soutiennent-ils, ainsi que la quasi-totalité des journalistes et autres observateurs présents jeudi à l'hôtel Riadh de Sidi-Fredj (Alger) qui a abrité les travaux de la 6e session du comité central. En effet, un impressionnant dispositif sécuritaire filtrait le passage vers l'hôtel et a même dévié la circulation «pour éviter tout incident». Et les incidents allaient sûrement survenir sans cette organisation dont on murmure sur les lieux qu'elle est l'œuvre des autorités, décidées à éviter le scénario du 15 juin 2012. Des groupes de jeunes pro-Belkhadem qui se proclament «partisans de la légalité», venus de plusieurs régions du pays, ont été repoussés à plus d'un kilomètre de l'hôtel Riadh par les gendarmes. Plusieurs d'entre eux, comme nous l'avons constaté lors de notre déplacement vers l'hôtel Marsa pour remplir les formalités d'usage (accréditation), ont été «embarqués» suite à leurs tentatives de forcer le cordon de sécurité et certains ont même été blessés. Les membres du comité central qui commençaient à affluer dès les premières heures de la matinée ont eux aussi été contrôlés et ont subi des fouilles au corps avant d'entrer dans la salle de conférences. Suite à ces contrôles, les membres exclus qui n'ont pas été invités à prendre part aux travaux de la session ont été refoulés, à l'image de Mohamed Seghir Kara et El Hadi Khaldi du mouvement de redressement qui ont dû suivre le déroulement des travaux via le téléphone portable. Il était dit que la session allait se dérouler dans le calme. À l'intérieur de la salle de conférences, des groupes se formaient. Ministres et membres du bureau politique adversaires de Belkhadem se concertaient, tout comme les partisans du secrétaire général. Il est 11 h et les travaux prévus à 9 h n'ont pas encore débuté. L'on murmure alors que c'est l'ordre du jour qui cause problème. La deuxième possibilité prévue par l'ordre du jour qui s'est limité au vote de défiance ou de confiance stipulait qu'en cas de vote de défiance, les travaux devaient se poursuivre avec le recueil des candidatures et le recours immédiat à l'urne pour la désignation du futur secrétaire général. «Les opposants à Belkhadem dont on peut dénombrer plusieurs tendances, actuellement en réunion avec les pro SG pour trouver une solution à ce problème, penchent plutôt pour une direction collégiale», nous a confié dans les coulisses un membre du CC proche de Belkhadem. Ce n'est qu'une heure après que le secrétaire général fait son entrée dans la salle, fortement applaudi par ses partisans, alors que ses adversaires, les ministres et les autres membres du CC qui ont pris place à l'arrière de la salle n'ont pas réagi. Prenant la parole, Belkhadem explique les modalités du scrutin sans qu'il n'y ait aucune contestation, chacun des deux clans semblant assuré de la victoire finale. Quatre membres (deux de chaque clan) ont été désignés pour superviser l'opération de vote que chapeautaient deux huissiers de justice qui devaient apposer leur griffe sur les bulletins de vote préalablement distribués aux 315 membres du CC présents (8 autres devaient voter par procuration). Commence alors l'opération de vote qui a duré plus de 4 heures. Les membres du CC sont appelés un par un suivant une liste établie en fonction de leur wilaya d'origine. L'heure des comptes C'est un Belkhadem, main tremblante, qui a voté le premier. Durant ces longues heures, les spéculations allaient bon train. Pendant tout ce temps, le secrétaire général n'a pas quitté sa place ni l'urne transparente des yeux. En dehors des adversaires connus de Belkhadem, les membres du comité central, les ministres notamment, hésitaient dans les coulisses à afficher leur préférence. «C'est l'urne qui tranchera», se contente-t-on de déclarer. 15h30, fin du vote et début des minutes les plus longues pour les membres du CC. L'opération de dépouillement donne les 5 premières voix pour Belkhadem. Applaudissements. Tout au long de l'opération, c'est pratiquement le coude-à-coude. Au milieu de l'opération, Belkhadem est accrédité de 11 voix supplémentaires avant que les redresseurs ne reprennent du poil de la bête. Ils n'ont gagné qu'à la fin de l'opération. L'huissier de justice procède à un nouveau compte des bulletins et annonce une victoire des adversaires de Belkhadem par quatre voix seulement. 160 membres ont retiré leur confiance à Belkhadem contre 156. Il a été enregistré 7 bulletins nuls. Dès l'annonce des résultats, c'est l'explosion de joie dans le camp des adversaires alors que les partisans de Belkhadem sont atterrés. Le SG qui a parlé pour la première fois depuis le début de l'opération félicite ses adversaires et tient ces propos : «Mabrouk, c'est la victoire du FLN. C'est la mienne aussi parce que j'ai réussi à consacrer la démocratie à travers les urnes. Je souhaite plein succès à mon successeur. C'est désormais comme cela que ça doit se passer au FLN qui est la première force politique du pays». Il annoncera ensuite la levée de la séance qui a repris vers 18h par un revirement de situation. Alors que les nouveaux vainqueurs affirmaient que désormais la session est ouverte, Belkhadem engage un bras de fer avec eux en décidant de se réunir avec ses partisans le lendemain (hier, ndlr).