L'affaire des faux bacheliers, inscrits aux facultés de médecine et de droit de l'Université d'Oran, que nous avions évoquée lors de la découverte du scandale au mois d'août 2012, a atterri mardi sur le bureau du juge de la 5e chambre d'instruction du tribunal de la cité Djamel Eddine. Le magistrat instructeur, au terme de l'audition d'un groupe de 70 mis en cause cités dans l'affaire, a décidé de placer en détention provisoire une étudiante et deux employés de l'administration universitaire. En fait, pas moins de 200 personnes sont mises en cause dans ce scandale qui avait fait l'objet d'une enquête interne, déclenchée par l'administration de l'Université d'Oran, et d'une commission ministérielle avant que le dossier ne soit confié à la brigade de recherche et d'investigation de la Gendarmerie nationale. L'enquête a permis d'aboutir à des résultats qui mettent en cause des responsables locaux, des enseignants universitaires, des professeurs en médecine et même un avocat du barreau d'Oran, dont les enfants ne sont pas titulaires du baccalauréat, mais qui sont quand même parvenus à se faire inscrire pour des études universitaires. Ainsi, un professeur connu en médecine, se surcroît propriétaire d'une clinique privée, a réussi, grâce à ce réseau, à inscrire son fils à la Faculté de médecine de l'Université d'Oran. Un avocat bien installé à Oran, enseignant à la Faculté de droit, a pour sa part réussi à faire inscrire ses trois enfants, tous non bacheliers, dans le même institut, dont une fille qui a obtenu sa licence, son diplôme de Capa et prêté serment lors de la cérémonie de sortie d'une promotion d'avocats en 2012. En réalité, le réseau, qui s'était spécialisé dans ce business, s'appuyait sur une disposition administrative somme toute légale. Il s 'agit de la double inscription administrative et pédagogique imposée aux nouveaux inscrits bacheliers. La procédure était toute simple. Les complices agissaient au niveau des procédures d'inscription administrative où l'original de l'attestation de réussite à l'examen du baccalauréat est exigé. Passé cet écueil, grâce au coup de pouce, l'inscription pédagogique devient alors un simple jeu d'enfant puisque le récépissé délivré lors du dépôt du dossier administratif, est le sésame qui permet de passer sans encombre cette procédure. Des fils de responsables locaux, d'enseignants à l'université, de médecins... Le procédé était bien huilé au point de permettre au réseau de sévir durant des années, jusqu'au jour où une lettre anonyme parvenue au rectorat a dénoncé ses pratiques. La lettre adressée au recteur avait cité des cas précis d'étudiants inscrits aussi bien à la Faculté de droit qu'à celle de médecine. L'enquête interne a permis de découvrir plusieurs cas d'étudiants ayant réussi à s'inscrire grâce aux services du réseau. Ce sont des fils de responsables locaux, d'enseignants à l'université, de médecins et même la fille du baron de la drogue Ahmed Zendjabil, dit Chelfi. Cette dernière, poursuivie dernièrement dans une affaire de faux et usage de faux qui avait permis à son père décédé d'être inhumé sous une fausse identité, a été écrouée avant de bénéficier de la liberté provisoire. Lors de sa comparution devant le magistrat qui instruit le dossier de l'affaire des étudiants non bacheliers, cette dernière aurait, selon plusieurs sources, eu un comportement jugé condamnable et outrageant envers le juge, ce qui expliquerait, selon nos sources, son incarcération au terme de l'audition. Parmi le premier groupe d'individus auditionnés figure également le doyen de la faculté de droit qui est à l'origine de la plainte dans laquelle il s'était constitué partie civile. Ce dernier est poursuivi pour avoir fermé l'œil, durant des années, sur un trafic à l'origine de ce scandale. Il aurait, selon d'autres sources, dénoncé le cas d'une étudiante dont le diplôme porte sa signature, sa griffe, et même le cachet du rectorat. Ce dernier aurait accusé cette fille, dont le père est enseignant à l'institut, d'avoir falsifié son diplôme de licence, une accusation qui ne semble pas avoir tenu la route lors de l'enquête des gendarmes qui ont établi, après étude graphologique du paraphe, qu'il était original et non imité. En attendant, les auditions se poursuivent et d'autres personnes citées dans l'affaire pourraient bien se retrouver derrière les barreaux dans ce scandale, qui pourrait toucher, selon plusieurs sources, d'autres universités et instituts du pays.