L'affaire Cahuzac souffle un avis de tempête sur le président François Hollande et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, dont la popularité est au plus bas après onze mois de gouvernance. Paris De notre correspondante Fragilisé, le gouvernement Ayrault résistera-t-il à ce séisme provoqué par des révélations de Médiapart confirmées par la justice. L'affaire Cahuzac, un scandale qui tombe au plus mal pour le président Hollande et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, déjà très bas dans les sondages. Avec 27% de cote de confiance dans le baromètre mensuel TNS Sofres pour Le Figaro Magazine -réalisé avant les aveux de M. Cahuzac – M. Hollande enregistre le plus bas taux par un président au 11e mois de son mandat. Fragilisé, François Hollande pourra-t-il longtemps se passer d'un remaniement gouvernemental ? Un remaniement que l'opposition réclame, d'autant qu'elle met en cause le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, dans sa gestion de l'affaire Cahuzac. «J'ai été mis en cause d'une façon que je considère assez indigne, avec des arrière-pensées évidentes», a déclaré M. Moscovici. Ce sont «des polémiques qui sont assez indignes de la part de la droite qui ferait mieux de temps en temps d'être un peu plus pudique, quand on sait ce qui peut elle-même la frapper ici ou là». Quand bien même un remaniement venait à intervenir dans les prochains jours, suffira-t-il à juguler la crise de confiance, voire de défiance dans laquelle l'affaire Cahuzac a achevé de plonger l'exécutif français ? Selon un sondage Harris Interactive, les trois quarts des Français estiment que l'affaire Cahuzac a un impact négatif sur leur confiance envers les responsables politiques et six sur dix jugent que le pouvoir l'a mal gérée. Toutefois, la détérioration de l'activité économique et l'aggravation du chômage pèseront beaucoup plus que la poursuite judiciaire de l'ex-ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, pour blanchiment de fraude fiscale, estiment des analystes politiques. «Ce n'est pas un gouvernement, qui est en cause, c'est un homme qui a failli», a déclaré jeudi à Rabat François Hollande, en marge d'une visite au Maroc. «Alors, pour ce qui concerne le fonctionnement du gouvernement, il n'y a, de ce point de vue, pas de décisions à prendre.» «Je suis le chef de l'Etat d'un pays qui est une grande nation qui ne peut pas accepter d'être ainsi humiliée avec des affaires qui se succèdent depuis des années. Il convient d'y mettre une bonne fois pour toutes un terme», a souligné François Hollande. «Il y aura toujours des indélicatesses, des personnes qui se comportent mal, mais à ce moment-là, tout sera fait pour qu'il y ait la prévention indispensable et la répression qui est absolument nécessaire», a-t-il assuré. Une crise politique doublée d'une crise morale François Hollande reste droit dans ses bottes. Il assure que la justice par la réforme qui sera votée cet été au Parlement donnera aux magistrats «les moyens d'agir en toute liberté, en toute indépendance contre tous les pouvoirs». Il s'engage par ailleurs à «lutter de manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés», tandis que les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou pour corruption seront interdits de tout mandat public. Le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, a appelé à «lutter contre tous les conflits d'intérêt». Dans la loi visant à moraliser la vie publique voulue par M. Hollande, il faudra «ajouter le fait qu'on ne peut pas cumuler des fonctions de lobbying, d'avocat d'affaires par exemple, avec un mandat parlementaire», a-t-il préconisé. François de Rugy et Barbara Pompili, co-présidents du groupe écologiste, ont annoncé mercredi qu'ils allaient redéposer une proposition de loi relative à la transparence de la vie publique et la prévention des conflits d'intérêt. Cette proposition de loi avait été présentée sous la précédente législature, en 2011, mais avait été rejetée par la droite majoritaire à l'époque. Invité sur France Info hier, Jean-Luc Mélenchon a appelé à manifester le jour anniversaire du second tour de l'élection présidentielle, le 5 mai prochain, pour promouvoir la VIe République et donner «le coup de balai qu'il faut pour purifier cette atmosphère politique absolument insupportable». Le co-président du Parti de gauche (PG) a ainsi invité les «milliers de militants socialistes meurtris» par l'affaire Cahuzac à venir le rejoindre pour former une majorité alternative à l'Assemblée nationale. S'il veut être entendu, François Hollande doit remonter dans les sondages. Pour cela, il lui faut regagner la confiance des Français et donc faire preuve d'actes forts et concrets. Or, sa marge de manœuvre est étroite dans un contexte économique et social morose et il ne lui reste qu'à jouer la montre. De cette tourmente, la presse d'investigation et la justice, qui en faisant preuve de leur indépendance, sortent renforcées. Cette indépendance que François Hollande pose comme préalable à la République «exemplaire» qu'il veut promouvoir et qui a été malmenée ces dernières semaines, est la garantie d'une société démocratique. Pour rappel, Jérôme Cahuzac, l'ex-ministre du Budget, de son état chirurgien qui a fait fortune dans les implants capillaires, est finalement tombé face aux accusations d'avoir détenu un compte bancaire en Suisse, portées depuis décembre par Mediapart. Le journal en ligne a publié le 4 décembre une enquête sur un compte «non déclaré» à l'Union des banques suisses (UBS) de Genève, dont les avoirs ont été finalement déplacés à Singapour. Ce que Jérôme Cahuzac a démenti formellement pendant des semaines. Le 2 avril, il reconnaît avoir menti.