Inscrivant les libertés comme un préalable à un Etat démocratique et social, le Front des forces socialistes (FFS) a organisé hier à l'occasion de la célébration de la fête des travailleurs, un «forum sur les libertés syndicales». Plusieurs intervenants ont relevé les difficultés que rencontrent les syndicalistes sur le terrain des luttes en dépit de la consécration par les textes du droit syndical. Dressant un tableau peu reluisant du monde du travail en Algérie, le premier secrétaire du FFS, Ali Laskri, estime dans son allocution d'ouverture que «les politiques sociales et économiques prônées par les autorités depuis des années ont montré leurs limites et enfoncé la population et le pays de plus en plus dans la crise». Il en veut pour preuve, le chômage qui «a atteint des proportions alarmantes, la pauvreté qui touche une large couche de la société, la précarité qui devient la règle et l'incertitude et le désarroi généralisés». Sur le plan des libertés, «aucune avancée n'est à souligner», estime le responsable du FFS, pour qui «cinquante ans après l'Indépendance, alors que l'Algérie a ratifié les différentes chartes internationales sur le respect des libertés syndicales, que ces libertés sont consacrées par la Constitution, les réalités du terrain montrent le déni de ces libertés». Ali Laskri ajoute dans la foulée que «l'administration détient et exerce un pouvoir exorbitant et discrétionnaire pour la délivrance d'agréments aux nouveaux syndicats autonomes, elle privilégie le syndicat officiel comme seul interlocuteur des autorités politiques et économiques, tout en élevant des entraves et des interdictions multiples pour l'exercice effectif des droits syndicaux». Pour le FFS, pour qui «le pluralisme syndical est le prolongement logique du pluralisme politique», «les travailleurs doivent pouvoir s'organiser librement pour défendre au mieux leurs intérêts moraux et matériels». Ali Laskri consent qu'à cela, «il n'y pas de solution miracle». La mobilisation pacifique «est le seul remède pouvant mettre un terme à cette dégringolade sans fin». Confiant, Laskri pense que «les mobilisations syndicales et sectorielles récurrentes incitent à l'optimisme et témoignent de la vitalité de notre société mais il s'agit de réunir les conditions d'un saut qualitatif dans l'action syndicale, en général, pour que ces forces sociales contribuent à part entière à la construction de la société civile de demain et pour un changement pacifique et démocratique dans le pays». Le premier secrétaire du FFS dira toutefois que «ce qui se passe autour de nous nous exhorte à être lucides et vigilants». Pour lui, «nous ne devons pas céder aux manipulations et aux tentations extrémistes, mais nous ne devrions pas aussi nous laisser dévier de l'essentiel qui est la lutte pacifique pour un changement démocratique en Algérie». Belabbès : «Nous comptons sur toutes les voix libres pour nous aider à avancer notre cause» Plusieurs intervenants se sont ensuite succédé à la tribune pour s'exprimer dans le cadre de deux panels. Le premier portant sur «les syndicats autonomes entre marginalisation et répression» et le second a eu pour thématique «Les libertés syndicales en Algérie : les textes et la réalité». Figure emblématique du mouvement des chômeurs Tahar Belabbès, qui réitère que son mouvement «n'est ni extrémiste ni autonomistes», a lancé un appel à toutes les forces vives pour soutenir le combat du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC). «Nous comptons sur toutes les voix libres pour nous aider à avancer notre cause», a-t-il lancé, annonçant dans la foulée son intention de doter le mouvement d'un agrément, tout en constatant «l'absence d'une volonté d'amorcer un véritable dialogue social avec des partenaires crédibles et légitimes» qui est «l'un des points noirs de ce pouvoir qui se cache derrière des alibis juridiques pour étouffer les voix libres et autonomes». Nouar Larbi du Cnapest (éducation) a, quant à lui, mis l'accent sur les textes et la réalité du terrain. «La Constitution garantissant le droit syndical se trouve confrontée aux entraves bureaucratiques d'abord – obligation d'autorisation pour la tenue des congrès, retard dans la remise des récépissés d'enregistrements…–, aux entraves politiques – quasi-impossibilité de créer une centrale syndicale autonome –, et aux autres manœuvres visant à réduire l'impact des syndicats autonomes, sans parler des intimidations dont sont victimes les syndicalistes», a-t-il constaté. Le représentant de l'Unpef a abondé dans le même sens en consacrant son intervention sur la contradiction des lois établies par le législateur algérien et les conventions internationales ratifiées par l'Algérie. Le maître-mot qui a caractérisé l'activité du FFS, qui s'est poursuivie durant l'après-midi d'hier, est : mobilisation.