Une fois de plus, la relance, voire la survie du tourisme tunisien dépend essentiellement de l'afflux des Algériens attendus en masse, cet été, dans les villes de Tabarka, Sousse, Monastir et Djerba pour ne citer que ces zones touristiques bien connues par nos estivants. C'est le cas, en effet, vu que les Algériens ont déjà été d'un apport salutaire, l'an dernier, pour ce créneau d'activité, certes des plus indispensables pour l'économie tunisienne, qui se débat, hélas, dans une crise «conjoncturelle» depuis les événements qui ont conduit à la chute de Ben Ali. En effet, à l'opposé des autres vacanciers des pays de l'Europe (la France en particulier) et des USA, notamment, qui persistent à appréhender la destination Tunisie en raison de l'instabilité sociale et sécuritaire née de la révolution de janvier 2011, les Algériens, quant à eux, semblent partisans d'un raisonnement tout à fait contraire. Et pour cause, non seulement en été, mais aussi en basse saison, nos concitoyens se rendant dans ce pays se comptent par centaines de milliers. En chiffres, pendant le seul mois de décembre 2012, ils étaient quelque 396 109 Algériens à séjourner dans les villes tunisiennes, soit une progression de 21,6% par rapport à la même période de 2011. Les dirigeants de l'ONTT, l'office chargé de promouvoir le tourisme en Tunisie, qui font état de ces statistiques, n'en rêvent pas plus. Cela ne les empêche pas pour autant d'espérer mieux pour la toute prochaine saison estivale. Pour ce faire, ils ont entrepris une énième «opération de charme» à l'endroit du marché algérien à travers un voyage organisé au profit d'une vingtaine d'agences de voyages établies dans différentes wilayas, ainsi que de représentants des médias, Le Temps d'Algérie, entre autres. Cinq jours durant, du 25 au 29 avril, les participants à cette initiative nommée «Méga Tour en Tunisie» pour reprendre la dénomination de Bassem Ouertani, nouveau représentant de l'ONTT en Algérie, ont sillonné les principales villes touristiques de Tunisie et visité de somptueux établissements hôteliers. Parmi ces derniers, l'on peut citer ceux de la chaîne Hassdrubal, Regency (Tunis), Itropika (Tabarka) ainsi que l'hôtel Yasmine au centre-ville de Hammamet et qui font face à la Méditerranée. L'objectif est de s'imprégner des produits offerts, de la qualité de la prestation et d'autres motifs pouvant servir à convaincre la clientèle algérienne à fréquenter ces lieux en touristes. L'on retiendra, à première vue, de cette visite en compagnie de Naziha Khelifi, responsable chargée du marché maghrébin à l'ONTT, la lourdeur des investissements engagés dans le domaine du tourisme. En atteste, à juste titre, la dotation de la quasi-majorité de ces établissements hôteliers en équipement ultramoderne de thalassothérapie, offrant ainsi de multiples cures de soin et de bien-être pour leur clientèle. D'autres investissements phares faisant la fierté des opérateurs du tourisme tunisien concernent en outre les marinas, à l'exemple de celle de Gammarth, du port El-Kantaoui, à Sousse ou encore de la ville de Bizerte. «La réalisation de ce type d'investissements a nécessité une cagnotte de l'ordre de 250 millions de dinars tunisiens, soit 125 millions d'euros», précisera Rym Jaray Kifeji, une spécialiste du domaine. Il reste qu'en ces temps de crise qui secoue le secteur du tourisme en Tunisie, ce genre d'investissements est difficile à amortir comme le certifient à l'unisson beaucoup d'opérateurs du domaine et certains gérants d'hôtels. Les signes d'une grise aiguë à Tabarka Les Algériens se rendant par route en Tunisie connaissent bien Tabarka. C'est la première ville qui les accueille après avoir accompli les formalités de passage de la frontière au niveau du poste douanier d'Oum Tebboul, dans la wilaya d'El-Tarf. En cette fin de mois d'avril, l'activité touristique à Tabarka broie du noir. Les établissements hôteliers sont ouverts… aux quatre vents ! Point d'engouement de touristes. Le moment du déjeuner est sans doute cet instant qui renseigne le plus de l'usure financière de ces hôtels. Les quelques clients qui s'y attablent se comptent sur le bout des doigts. L'on parle ici d'établissements classés 5 étoiles au sein desquels, contrairement à la cafétéria d'à côté, même un verre d'eau a son prix et n'est pas gracieusement offert pour une clientèle réduite comme peau de chagrin. Les temps sont difficiles et la comptabilité financière des hôtels de Tabarka est des plus «crispée». Difficultés pour lesquelles la même région, où est implantée une vingtaine d'hôtels, enregistre actuellement la fermeture de 7 établissements totalisant une capacité d'hébergement de 2100 lits, apprend-on. Quant à l'artisanat, celui-ci fait miroiter un sombre tableau. Les multiples produits affichés aux devantures des boutiques collées les unes aux autres sur les abords des ruelles principales du centre-ville de Tabarka apparaissent de loin crasseux et enlaidis par la poussière. A croire que les commerçants tenant ces boutiques ne se donnent plus la peine de les dépoussiérer et les rendre plus attrayants, puisque le souhait de les vendre à des touristes étrangers relève d'une illusion qui se confirme chaque jour un peu plus. En parlant de l'artisanat, ce secteur est non seulement à l'arrêt mais de surcroît improductif, non seulement à Tabarka, mais dans toute la Tunisie, à se fier aux propos d'Affif Kchouk, gérant d'un établissement hôtelier et cadre du secteur de tourisme. Selon lui, les produits de l'artisanat écoulés en Tunisie sont acheminés de la lointaine Chine, où il sont fabriqués (sic). Peu d'Algériens fréquentent les hôtels Les commerçants de produits d'artisanat en Tunisie comptent, entre autres, parmi leur clientèle privilégiée des touristes algériens qui achètent tout de même quelques articles en guise de souvenirs de leurs vacances dans ce pays voisin. Toutefois, contrairement aux autres vacanciers d'Europe, d'Amérique et d'Asie, il est bien établi que les Algériens sont très peu à fréquenter les luxueux hôtels du pays de l'antique Carthage. Ce constat nous a été de nouveau confirmé par le commissaire du tourisme de la région de Sousse, rencontré à l'hôtel Hasdrubal, situé non loin du port d'El-Kantaoui. Selon lui, les proportions des Algériens se rendant dans des hôtels durant leurs séjours touristiques en Tunisie ne dépassent pas les 12%. En d'autres termes, près de 90% recourent à la location d'appartements auprès des particuliers. Le même responsable ajoutera que la zone touristique de Sousse a enregistré des entrées de quelque 36 368 touristes algériens durant la période s'étalant de janvier au début avril 2013. Notre présence en Tunisie dans le cadre du Méga-tour de l'ONTT a coïncidé avec l'organisation de la 19e édition du Salon du tourisme tunisien, le MIT 2013. Cette manifestation qu'a abrité le Parc des expositions de Tunis au Kram a eu lieu du 24 au 27 avril, sous les auspices de Affif Kchouk en sa qualité de commissaire du Salon. Ce dernier s'est félicité de la participation algérienne représentée par l'Office national algérien du Tourisme (ONAT) et de responsables de plusieurs agences de voyage. «La participation algérienne au Mit 2013 a été vraiment remarquable avec notamment une architecture moderne caractérisant son stand et incarnant l'image de l'Algérie résolument engagée dans le renouveau du tourisme», a-t-il estimé. Sécurité «rétablie» dans un environnement insalubre Qu'ils soient de Tunis, de Sousse ou de Hammamet, les responsables en charge de la gestion et de la promotion du secteur du tourisme en Tunisie jurent d'un retour progressif de la sécurité dans le pays. «Moi-même j'ai ma fille, une adolescente accroc des soirées en compagnie de ses amies. Il lui arrive de rentrer à la maison à des heures tardives. Ceci dit, elle n'a jamais été victime du moindre incident», nous a fait savoir Affif Kchouk qui se dit convaincu que «le problème de la sécurité est définitivement réglé». De son côté, El Aoued, commissaire du tourisme de la région de Sousse affirme, quant à lui, qu'aucun touriste accueilli dans cette ville n'a été victime de la moindre mésaventure de la part de la population locale durant toute l'année écoulée. «Il est vrai que les Tunisiens se querellent entre eux. Il s'agit parfois de rixes violentes et de batailles à couteaux tirées. Des cas d'agressions physiques existent aussi et la presse s'intéresse beaucoup à ces faits divers qu'elle rapporte parfois de manière exagérée. Toutefois, je peux vous affirmer que ce genre d'agression n'a jamais visé les touristes étrangers», a-t-il indiqué en substance. Sur un autre volet, ces mêmes responsables mettent l'accent sur l'impératif d'une prise en charge dans l'immédiat de l'environnement. «Après la Révolution, le pays est devenu sale et il devient de plus en plus urgent de s'occuper de cette question», disent nos interlocuteurs.