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Sauver l'Education en Algérie
Publié dans Le Temps d'Algérie le 16 - 06 - 2013

Fait inédit dans les annales du baccalauréat : pour s'insurger contre l'introduction de questions dont le sujet «n'a pas été révisé par certains candidats trompés par les réseaux sociaux», des milliers de candidats à cet examen décisif (filière lettres et philosophie) ont protesté, créant une anarchie ayant perturbé le déroulement des épreuves dans des centres d'examen de plusieurs wilayas.
Alors que tous les médias, syndicalistes, administrations société civile se mobilisent pour dénoncer des cas de fraude au bac général, personne n'entend parler d'un autre BAC pour sauver le bac en Algérie.
Une tricherie générale a suivi ces actes de protestation. La manifestation de colère s'est faite dans certains cas «de façon très violente», qui dénoncent la fuite en avant de la tutelle.
La question que se pose tout le monde c'est comment et pourquoi on est arrivé à ce stade de tricherie générale, tout enseignant, parents d'élèves, élèves ou simple citoyen à qui vous poserai cette question rira et vous dira que cela a commencé depuis longtemps et que cette année n'est qu'un aboutissement car l'impunité et la fraude qui sont monnaies courantes au niveau de la société viennent d'atteindre l'éducation et le bac, seul examen encore crédible au niveau national.
Comment en sommes nous arrivés là ?
* La première raison est sans doute la démission des parents qui ne cherchent qu'à voir leurs enfants réussir quelque soit le prix. Après avoir accepté pour leur enfant un seul échec possible, l'examen du baccalauréat et cela avec la complicité de tout le monde: administration, enseignants et tutelle, les voilà aujourd'hui demander plus. Ils demandent l'impunité pour la fraude et la souplesse lors de cet examen. Le résultat s'est répercuté sur leurs enfants qui refusent aujourd'hui de ne pas pouvoir répondre à un sujet car après avoir fraudé durant les trois années de leur cursus secondaire dans l'impunité, ils sont arrivés même à menacer leurs enseignants à l'arme blanche pour frauder. La fraude est maintenant justifiable à tous les niveaux.
* La deuxième raison est la tutelle qui a toujours faibli devant les caprices des élèves. D'abord en instaurant un seuil des programmes interminables et un choix de sujets non pédagogique. A ces derniers, la tutelle a dressé des lois comme le refus de l'exclusion de l'élève même si ce dernier est perturbateur, les conseils de discipline se font de plus en plus rare ou inexistants.
A l'intérieur des établissements, nous voyons circuler tous les maux de la société tel que les cigarettes, les armes blanches, les drogues, des tenues vestimentaires non conformes avec la complicité des parents qui refusent tout reproche à leur enfant, les élèves circulent en écoutant de la musique même en classe et tout cela avec la bénédiction de l'administration et de la tutelle. La discipline a disparu car on a confisqué le devoir pédagogique à l'enseignant.
Les enseignants n'ont plus les moyens de contrôler leurs élèves. Dans les établissements, il y a des classes sélectionnées dites classes de fils d'enseignants alors qu'en réalité on n'y trouve pas uniquement des enfants de professeurs mais aussi ceux des notables des villes et villages.
* La troisième raison est les cours particuliers. Un phénomène qui, au lieu d'aider à développer l'éducation est devenu une gangrène pour l'éducation car mal exploité par l'élève lui-même et le parent. Aujourd'hui, l'élève a beaucoup plus confiance en les cours particuliers non contrôlés qu'en son professeur à l'école, et ce, toujours avec la complicité du père. Je ne veux pas développer ici les méthodes mesquines et les conditions de ces cours que tout le monde connaît.
* La quatrième raison est l'enseignant. Ce dernier est toujours accusé car c'est le noyau faible de l'éducation et sur qui tout repose. Si les résultats sont bons c'est grâce à l'administration mais s'ils sont mauvais c'est à cause de l'enseignant. Mais où commence et où s'arrête sa responsabilité ?
Ces dernières années, nous avons assisté à une ségrégation de classes et de professeurs donc certains héritent de classes difficiles alors que d'autres non. Tout le monde vous dira qu'il est impossible de donner un enseignement correct à des classes de plus de 40 avec un niveau souvent faible ou moyen. Donc c'est dans des conditions désastreuses que l'enseignant exerce son métier sans aucune assistance car aujourd'hui, il est souvent insulté, agressé et malmené par des devoirs administratifs que la tutelle pourrait alléger. Aujourd'hui, l'enseignant est lancé dans le bain sans aucune formation et le résultat s'est ressenti cette année avec l'augmentation de la violence dans l'éducation comme ce fut le cas cette année.
* La cinquième raison est l'élève, celui ci a été éduqué de manière à ne pas connaître l'échec et pour réussir tous les moyens sont bons vu qu'il est issu d'une société où la corruption, la fraude et l'impunité sont un fait quotidien et non un événement. Alors comment peut-on inculquer à cet enfant les devoirs et les droits. Pour les droits, il est devenu un champion quant aux devoirs il les refuse. Pour motif, il cite les représentants du peuple qui ne les appliquent pas et vivent dans l'impunité. Ainsi, la tricherie générale au bac cette année en est la preuve puisque l'impunité reste de mise dans ce cas aussi.
* La sixième raison est la réforme de l'éducation appliquée sans aucune étude ni moyens adéquats pour sa réussite comme des classes à moins de 25 élèves, des pc et des calculatrices programmables pour chaque élève, ajouter à cela la non formation des enseignants qui manquent de moyens pour s'acquitter correctement de leur tâche.
Aujourd'hui, la situation est compliquée et chacun doit se remettre en cause car nous sommes tous responsables, du moins par notre silence. L'éducation crie au secours et c'est la moelle épinière de toutes les sociétés développées, ne lésinons donc pas sur les moyens et investissons au moins une fois en l'homme.
L'une des premières priorités est de revoir et satisfaire les revendications légitimes sur le statut particulier de l'éducation.
La seconde priorité est celle de la réforme ainsi que celle du baccalauréat. La troisième c'est de rendre la pédagogie à l'enseignant, seul apte à enseigner et éduquer. La quatrième est de refonder le système éducatif. La cinquième est de combattre l'impunité à travers tout le pays.
H. B.
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(*) Professeur de mathématiques au lycée Colonel Lotfi d'Oran.


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