Le Xinjiang, l'immense région de tradition musulmane aux confins de la Chine du nord-ouest, a de nouveau été ensanglanté mercredi par des affrontements particulièrement violents entre forces de l'ordre chinoises et "émeutiers", faisant officiellement 27 morts et confirmant l'instabilité chronique d'une région de plus en rétive à la tutelle chinoise. Selon l'agence officielle Chine nouvelle, seule source disponible mercredi en fin d'après-midi, les faits se sont produits "vers 06H00 du matin (22H00 GMT)" quand "une foule d'émeutiers armés de couteaux a attaqué les postes de police et le bâtiment du gouvernement local" de la ville de Lukqun, située à environ 250 km au sud-est de la capitale régionale Urumqi, et à une cinquantaine de kilomètres du grand oasis de Turpan, une région désertique. L'affrontement semble avoir été d'une rare violence, les assaillants, selon Chine Nouvelle, ayant tué neuf policiers et gardes de sécurité ainsi que huit civils. Les policiers chinois auraient alors ouvert le feu et tué 10 émeutiers, a poursuivi l'agence officielle qui cite un responsable non identifié du Parti communiste chinois (PCC) du "comité régional" du Xinjiang. Les émeutiers ont "poignardé des gens et mis le feu aux véhicules de police", a encore ajouté l'agence, précisant que trois assaillants avaient été arrêtés sur place et que la police était à la poursuite de ceux qui se sont enfuis, sans préciser leur nombre. Interrogées depuis Pékin, les autorités locales ont décliné tout commentaire ou n'étaient pas joignables. Ces nouveaux heurts meurtriers sont les derniers d'une série qui agite l'immense "Région autonome" ouïghoure ces dernières années et met aux prises policiers et militaires chinois avec les habitants locaux, les Ouïghours turcophones et le plus souvent musulmans qui, selon la plupart des témoignages, vivent de plus en plus mal la poussée démographique chinoise et leur marginalisation économique, politique et culturelle. A la mi-avril, des affrontements armés avaient déjà fait 21 morts, dont six policiers, entre des "séparatistes" ouïghours et des policiers, selon la version officielle chinoise qui précisait alors que ces derniers étaient à la recherche d'armes blanches, la circulation d'armes à feu étant très rare en Chine. Un site officiel local expliquait que les Ouïghours impliqués dans l'incident meurtrier cherchaient à imposer le voile intégral aux femmes, un phénomène qui traduit une radicalisation d'une frange de la population pour le moins inédite dans une région traditionnellement connue pour pratiquer un islam particulièrement tolérant et étranger à la tradition wahabite issue d'Arabie saoudite. Egalement en avril dernier, une unité de l'armée chinoise spécialisée dans la lutte antiterroriste a conduit des exercices au Xinjiang, avait rapporté le Quotidien de l'Armée populaire de Libération. La propagande chinoise est prompte à qualifier de "terroriste" et de "séparatiste" les manifestations d'hostilité à la tutelle de Pékin, la capitale distante de quelque 3.000 km de la région. Au sud du Xinjiang, le Tibet, autre "région autonome chinoise", connaît une situation tout aussi tendue, notamment après les dernières émeutes de Lhassa en 2008 qui avait fait entre une vingtaine et 200 morts, selon que les sources sont chinoises ou tibétaines. Les autorités chinoises ont interdit son accès à la presse étrangère et le lourd dispositif militaire et policier s'y est encore renforcé. Les plus sanglants affrontements entre Hans -les "Chinois de souche"- et Ouïghours se sont produits en juillet 2009 à Urumqi, la capitale du Xinjiang, faisant environ 200 morts. Les autorités ont depuis accru le déploiement de forces de sécurité chinoises dans une région déjà fortement militarisée. En 2011, Pékin avait accusé des "terroristes" entraînés au Pakistan voisin d'être à l'origine d'affrontements ayant fait 19 morts. Mais des groupes Ouïghours en exil ont rejeté ces accusations de terrorisme, rendant les inégalités et la répression religieuse responsables des troubles. "La répression incessante et la provocation expliquent les heurts", a réagi mercredi après la dernière tuerie le porte-parole en exil du Congrès ouïghour mondial, Dilxat Rexit. Le Xinjiang a concentré lui seul l'an dernier plus de la moitié des procès pour "atteinte à la sécurité de l'Etat", alors qu'il n'héberge que moins de 2% de la population chinoise, selon la fondation Duihua (Dialogue), basée aux Etats-Unis. Cette organisation spécialisée dans l'aspect juridique des droits de l'Homme en Chine considère qu'il existe une "discrimination ethnique" à l'encontre des Ouïghours en Chine. Selon les chiffres officiels, le Xinjiang compte 46% de Ouïghours et 39% de Hans, le reste de la population appartenant à d'autres minorités comme les Kazakhs, les Kirghizes, les Tadjiks ou encore les Mongols.