L'ex-enfant terrible de l'islamisme algérien place haut la barre des négociations. Selon un proche de Ali Benhadj et ex-membre du majliss echouri du parti dissous, Abdelkader Boukhamkham, le n°2 de l'ex-FIS n'a pas «rejeté la proposition de sa libération, mais a conditionné celle-ci par un certain nombre de préalables». Selon Boukhamkham, qui cite une source familiale du prisonnier islamiste, Benhadj a refusé sa libération pour plusieurs motifs. Principalement, le fait que sa libération doive être «intégrée à une solution politique globale et inscrite dans le cadre d'une sortie de crise». Benhadj, qui se trouve, à six mois de sa libération, au centre d'enjeux occultes, ne cache pas sa crainte des manipulations dont il pourrait être l'objet: «Je ne veux pas que ma libération serve de caution à qui que ce soit, comme je ne veux pas que quelqu'un se prévaut de m'avoir libéré alors que j'ai pratiquement consommé la totalité de la peine de douze ans.» Voilà, donc, en deux mots, les raisons qui ont poussé Benhadj à refuser sa libération annoncée en grande pompe par les médias, et qui, finalement, n'a pas été concrétisée, malgré toutes les intercessions qui ont été faites. Outre les émissaires de la présidence, les appels de sa propre famille, Benhadj a reçu plusieurs correspondances de ses anciens compagnons, dont celle de Madani Mezrag, à la veille du 27e jour du ramadan. Tout en faisant la sourde oreille à «la complainte des réconciliateurs», Benhadj a voulu, semble-t-il, faire passer un double message tant à ses amis qu'au clan des éradicateurs. Pour les premiers, Benhadj propose de faire table rase de tout ce qui avait été entrepris depuis la dissolution du FIS, en mars 1992, et de se préparer à «mettre de l'ordre dans la maison». Témoin, son étrange silence à propos de l'élection de l'instance plébiscitée par le groupe du CC-FIS dirigé par Mourad Dhina. En ne voulant ni cautionner ni condamner la tenue d'un congrès controversé, Benhadj se laisse toute latitude pour mener les choses à «son compte et à son goût». Pour ses détracteurs, le message lancé par Benhadj est le suivant: primo, qu'il reste encore assez intran-sigeant, assez «solide», pour refuser cette chance de retrouver la liberté. Secundo, que les négociations avec lui se font en plaçant la barre assez haut. Tertio, qu'il reste, douze ans après son incarcération, un interlocuteur incontournable de la scène politique nationale. Il y a bien sûr les nouvelles donnes politiques et sociales que Benhadj ne maîtrise pas et qui peuvent lui créer d'énormes surprises sur le plan du poids qu'il possède auprès de la nouvelle jeunesse urbaine pauvre, qui n'a pas assisté à la montée fulgurante du parti dissous. Cependant, il reste, à n'en pas douter, un personnage haut en couleur, dont l'influence auprès de la mouvance islamiste radicale est très puissante. Ce poids, dont jouit Benhadj, est au centre d'enjeux ébouriffants et contradictoires, qui risquent de s'accentuer au fur et à mesure qu'approche la date de sa libération.