Saddam, de son côté, a promis un bain de sang aux portes de Bagdad ainsi que des attentats-suicide partout dans le monde. ça y est. La chose est officielle. La guerre du Golfe, deuxième du nom, est devenue inévitable. Elle aura même lieu dans six semaines. C'est-à-dire vers la mi-mars. La rencontre à Washington entre le président américain, George W.Bush, et le Premier ministre britannique, Tony Blair, a débouché sur cette annonce, assimilée par bon nombre d'observateurs à une véritable déclaration de guerre. Toute la presse britannique ouvrait hier sur cette nouvelle. Les bruits de bottes céderont bientôt le pas à des affrontements aux conséquences imprévisibles. Les Américains et les Britanniques, qui n'essayent même plus de cacher leur jeu, ont avancé ce délai, pour ne pas dire ultimatum, pour laisser une dernière chance à Saddam pour se débarrasser de ses armes de destruction massive. Un délai absolument absurde vu sous cet angle puisque le président irakien continue à soutenir l'absence de ce genre de matériels chez lui, ce que confirment en grande partie les inspecteurs onusiens dépêchés en Irak par le Conseil de sécurité. Bush et Blair visent également, à travers ce délai, à tenter de faire fléchir certains pays arabes toujours hostiles à cette guerre, mais aussi la France, membre du Conseil de sécurité, très influente au sein de l'UE et pouvant contrecarrer les plans du tandem Bush-Blair. C'est pourquoi, Bush, dans une déclaration à la presse, avait souhaité une seconde résolution du Conseil de sécurité autorisant la guerre, non sans préciser que «la résolution 1 441 votée en novembre à l'unanimité du Conseil de sécurité de l'ONU nous donne l'autorité d'agir sans deuxième résolution». Ce délai, enfin, vise à parachever la mise en place des troupes américaines et anglaises afin qu'elles soient opérationnelles tout autour des frontières irakiennes dès la fin du mois de février. Les estimations les plus fiables parlent de quelque 200.000 hommes de troupe, sans oublier l'aviation et le soutien logistique d'une flotte impressionnante capable d'aller jusqu'à noyer Bagdad sous un déluge de feu atomique. Saddam, dont la riposte ne s'est guère fait attendre, a passé, hier, en revue certaines de ses troupes d'élite commandées par son propre fils avant de les exhorter à ruser dans cette guerre qui s'annonce difficile, promettant au passage «un million de morts parmi les soldats de la coalition qui se prépare à prendre d'assaut Bagdad». Saddam Hussein, qui agit en fin stratège militaire, ne prévoit pas de ménager les pertes humaines de ses troupes d'élite pour peu que celles-ci réussissent à marquer en contrepartie de sévères coups aux envahisseurs. Le vice-président irakien Taha Yacine Ramadane, de son côté, est allé encore plus loin dans les colonnes de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel dont la parution est attendue aujourd'hui. Le bras droit de Saddam promet, en cas d'agression contre son pays, «des attentats-suicide dans toute la région du Golfe, mais aussi partout dans le monde, contre les intérêts de tous les pays qui prendront part à la coalition américano-britannique». Le second homme fort du régime de Bagdad compte, pour ce faire, sur «le soutien et l'aide de tous les peuples arabes ne pouvant demeurer silencieux et inactifs devant de pareilles choses». C'est pour cette raison, sans doute, que les ambassades américaines en Arabie Saoudite et au Koweït ont invité leurs ressortissants, estimés à des dizaines de milliers de personnes, à quitter ces monarchies où la sécurité est devenue extrêmement précaire. Cette mise en garde montre bien que pour cette guerre contre l'Irak, même si elle devait permettre aux Américains, à terme, de mettre la main sur le pétrole irakien, le risque est grand de les voir perdre, pour de très longues années, des pays aussi riches et aussi complaisants que l'étaient l'Arabie Saoudite et le Koweït.