Des tractations secrètes seraient derrière la tombée de Bagdad sans résistance. Tous les indices tendent à le démontrer. Saddam Hussein aurait négocié son exil, pour lui, sa proche famille et les notables de son régime, contre une reddition tacite. Celle-ci a été vue à l'oeuvre hier puisque Bagdad est tombée en quelques heures sans opposer la moindre résistance, ce qui a étonné l'ensemble des analystes et observateurs, y compris les plus avertis d'entre eux. Pas même un baroud d'honneur n'a été lancé avant que cette ville légendaire, celle des Mille et une nuits, ne tombe sous le contrôle des troupes de l'Oncle Sam. Hier, dans une déclaration à la presse, le président du Parlement libanais, a «vendu la mèche», en indiquant que «le président irakien, Saddam Hussein pourrait se trouver à l'intérieur de l'ambassade russe». La radio, La Voix du Peuple, proche du parti communiste local, a abondé dans ce sens, établissant au passage un lien direct entre la visite à Moscou de Condoleezza Rice et le retour à Bagdad, le lendemain, de l'ambassadeur russe, Vladimir Titorenko, en dépit de ses blessures. Les motifs invoqués officiellement ne semblaient pas très logiques puisque le diplomate russe serait revenu, par un vol spécial pour s'enquérir de l'état de santé de son chauffeur, blessé et soigné dans un hôpital de Bagdad, mais aussi pour assurer le rapatriement de la dizaine de diplomates encore bloqués au niveau de cette ambassade. Un exil aurait ainsi été négocié pour Saddam, sa famille et la plupart des hauts responsables du parti Baâth irakien. La destination pourrait bien être située quelque part dans la très vaste Russie. Des rumeurs insistantes vont jusqu'à dire que Saddam se serait trouvé dans le convoi diplomatique pris pour cible dimanche par les troupes américaines alors que ces dernières avaient reçu des descriptions exactes des véhicules ainsi que l'itinéraire devant être suivi par eux. Il semble qu'à ce moment, c'est-à-dire au lendemain du nouvel appel lancé par Donald Rumsfeld pour l'exil de Saddam afin d'éviter un bain de sang, les négociations n'avaient pas encore totalement abouti. La visite de la conseillère de la Maison-Blanche à la sécurité intérieure a dû finir d'aplanir l'ensemble des divergences entre Irakiens et Américains par l'entremise des Russes, d'où le retour à Bagdad de Vladimir Titorenko pour gérer cette phase délicate et assurer personnellement la sécurité de Saddam Hussein et, sans doute, de sa plus proche famille, notamment ses fils Oudaï et Qoussaï. Les Américains, tant que les choses restent secrètes, n'ont pas dû s'encombrer de beaucoup de scrupules avant de conclure un pareil marché. Ils savaient, en effet, que la prise de Bagdad durerait sans doute plusieurs semaines, comme leur état-major central l'admettait volontiers. Ils savaient aussi qu'il faudrait passer par une terrible guérilla urbaine face à des troupes bien entraînées et connaissant parfaitement le terrain. Les pertes américaines auraient ainsi pu atteindre un seuil critique, déclenchant aux USA un raz de marée pacifiste pareil à celui qui avait précipité la chute du président Johnson lors de la guerre du Vietnam. L'image de marque de l'Amérique en aurait également pâti puisque il aurait sans doute fallu provoquer de nombreux autres carnages de civils pour venir à bout de la résistance urbaine des troupes fidèles au président Saddam. Les dirigeants Irakiens, de leur côté, savaient la partie perdue d'avance. Mieux valait donc négocier une sortie discrète au lieu d'aller vers des situations extrêmes devant fatalement déboucher soit vers la mort, soit vers des tribunaux internationaux pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Quant aux Russes, il faut bien dire que cette médiation n'a pas dû se faire gratuitement. Privée de très gros contrats pétroliers contractés avec le régime de Saddam, Moscou a dû trouver un terrain d'entente pour obtenir de bons dédommagements de la part des Américains contre ses bons services. L'argent, finalement, n'a-t-il pas toujours été le seul et unique nerf de la guerre? Sans doute dant le but de sauver les apparences, Donald Rumsfeld a annoncé hier, tard dans la soirée, que la traque de Saddam allait «se poursuivre sans relâche». Il a, en outre, affirmé que de hauts responsables irakiens se sont enfuis vers la Syrie.