Il serait naïf de croire que les Américains se soient fixé comme objectif de leur expédition contre Bagdad l'élimination du président irakien. Leurs visées sont autrement plus importantes. Plus importantes même que les réserves de pétrole qui ne sont qu'un produit énergétique non renouvelable. Même classées deuxièmes, les réserves de pétrole irakien viendraient, un jour à disparaître, et cela les Américains en sont conscients. La Maison-Blanche et ses stratèges ne peuvent concevoir leur avenir sans des épouvantails, susceptibles d'être agités en temps opportun. Bien avant la capitulation de l'Allemagne hitlérienne, les Américains s'étaient lancés dans une vaste campagne dans le Pacifique. Le Japon, qui avait frappé l'ennemi américain à Pearl Harbor, était alors présenté comme un danger potentiel pour l'humanité. Les Américains, qui étaient présentés comme les futurs libérateurs de l'Europe, tenaient, en l'empire du Soleil levant, un épouvantail capable de servir leur hégémonie quand il fallait se partager les restes de l'ogre SS. Il y eut alors des engagements en Birmanie, à Hong Kong, au Japon avant de lui porter le coup décisif avec les bombes atomiques de Nagasaki et Hiroshima. Cet épisode clos, le complexe militaro-industriel américain pouvait se placer en conquérant en Europe. Mais, pour ce faire, il lui fallait se créer un autre danger latent, un écran de fumée derrière lequel il pouvait construire sa grandeur. L'ennemi trouvé, il fallait le grossir grâce au recours aux médias, à Hollywood et à des campagnes de propagande savamment orchestrées par la CIA et mises en branle par ses relais à travers le monde. C'était l'époque de la guerre froide et de la dualité Est-Ouest. Cuba, la crise des missiles, la baie des Cochons, le Printemps de Prague, le Vietnam, la chute d'Allende ne sont que des étapes dans la lente et minutieuse ascension du complexe militaro-industriel et sa suprématie sur les idées progressistes et libérales, pourtant vantées au lendemain du débarquement des troupes américaines en Europe. La désagrégation du bloc de l'Est mettra les politiques de la Maison-Blanche face aux appétits grandissants des groupes de pression économique. Pour progresser, asseoir son hégémonie, il fallait trouver une monture capable de servir les intérêts américains. A l'occasion de la première guerre du Golfe, Bush-père avait bien mis sur pied une large coalition pour libérer le Koweït. Toute cette force était placée sous le commandement du général Schwarzkopf, un Américain du Pentagone qui guidera les coalisés durant la campagne de Desert Storm. La guerre terminée, les dividendes sont tombés dans l'escarcelle des Américains qui ont sacrifié Bush pour fabriquer de toutes pièces Ben Laden et les talibans qui sortaient victorieux de leur conflit avec les Russes en Afghanistan et qui devenait l'épouvantail qui allait servir les intérêts de l'Oncle Sam. Clinton et ses conseillers osèrent quelques expéditions en Somalie et au Soudan mais, faute de soutien du complexe militaro-industriel, toutes ces tentatives échouèrent devant l'aura fabriquée de toutes pièces par les médias américains à Ben Laden et les talibans. L'élection controversée de Bush Jr à la tête de la Maison-Blanche et les attentats du WTC permirent à Texaco, Halliburton, Enron ou encore au géant de l'industrie de l'armement de revenir à la charge. Ben Laden est traqué au nord de l'Afghanistan dans les grottes de Tora-Bora mais sans succès. Pour ceux qui connaissent les méthodes de la CIA, Ben Laden est sorti indemne de la traque grâce au bon-vouloir des maîtres à penser du Pentagone. Saddam est alors sorti des tiroirs pour servir d'appoint à l'autre épouvantail (Ben Laden), pour servir d'alibi à une expédition qui allait d'une part permettre aux Américains de casser la cohésion de l'Union européenne, de contrôler les réserves de pétrole du Proche et Moyen-Orient et d'autre part de doper les ventes d'armement aux pays de la région. Saddam, dans la peau du gibier aujourd'hui, sera chassé du pouvoir, mais les Américains s'arrangeront pour le laisser en vie au nord de l'Irak, caché dans une grotte, tout comme Ben Laden, pour servir les visées hégémoniques des Américains. Le problème sera alors, pour les Européens, de refaire leur cohésion avant de penser faire barrage à la déferlante menée par la coalition chrétienne qui s'est alliée avec les lobbies de la finance et de l'industrie pour asseoir l'ordre américain que la famille Bush est en train de mettre par petites touches.