La mésentente entre le Président de la République et son Chef du gouvernement est arrivée à un point de non-retour. A quelques jours, voire à quelques heures, de la fin de mission du deuxième gouvernement Benflis, il est intéressant de s'arrêter sur les principales phases et contradictions qui ont jalonné la vie institutionnelle du pays. Le pouvoir a eu à faire face à la première véritable crise en avril 2001. Le manque de discernement dans le traitement de l'affaire de l'assassinat du jeune Massinissa a enclenché un processus de pourrissement de l'atmosphère politique nationale. En sus des fissures apparues dans la coalition gouvernementale, la gestion même du dossier a amené certains observateurs à se poser des questions sur les véritables intentions du pouvoir qui réagissait le plus souvent ave emps de retard par rapport aux revendications de la rue en Kabylie. Il était établi, à l'époque en tout cas, que le maintien du ministre de l'Intérieur dans la gestion du dossier paraissait comme anachronique et loin d'être porteur de solution réelle à la crise. Parallèlement aux tentatives, quelque peu musclées, de rétablir la sécurité dans la région, le Chef du gouvernement prend le dossier en main et engage le dialogue avec une fraction du mouvement citoyen qui aboutit à la constitutionnalisation de tamazight et au dédommagement des familles de victimes des émeutes. C'est le Président de la République lui-même qui en a fait l'annonce solennelle dans un discours aux deux Chambres du Parlement. Jusque-là, même si certaines mauvaises langues évoquent une grave crise au sommet de l'Etat, les apparences semblaient en tout cas sauves. Seulement, les choses ne se sont pas arrêtées là. Au lendemain de l'entrée de tamazight dans la Constitution, on assiste à une série d'arrestations de délégués et l'instauration d'un climat de tension en Kabylie. Résultat: la démarche entreprise par le pouvoir aura été une sorte de pétard mouillé qui n'a pas apporté le calme souhaité dans la région. La crise est entrée dans une phase de léthargie et les émeutes qui ont émaillé les deux consultations électorales témoignent de l'impasse dans laquelle se trouvent la Kabylie en particulier et l'Algérie en général. Par ailleurs, les rendez-vous des législatives et des locales ont permis au FLN de triompher et placer de facto, Ali Benflis comme la première personnalité politique du moment. Un état de fait que les sphères politico-médiatiques n'ont pas omis de signaler, au sens que le Chef du gouvernement dispose d'une force réelle à même de lui permettre d'influer sérieusement sur la décision politique. Depuis le 10 octobre 2002, il est en effet certain que la donne au sommet de l'Etat a changé avec le renforcement de la position du Chef du gouvernement et néanmoins secrétaire général du premier parti du pays. Aussi, est-il logique de voir ce dernier, qui a réussi la gageure de redresser une formation qu'on donnait pour cliniquement morte, aspirer à participer plus activement à faire la décision tant politique qu'économique. Ali Benflis s'est vu très vite confronté aux fameux ministres du Président, dont Temmar et Khelil (lire l'article de Mohamed Abdoun). Une situation loin de favoriser l'entente entre le chef de l'Etat qui base l'essentiel de son programme sur ces deux ministres notamment. Une sorte d'inflexibilité du «carré présidentiel» a empêché le Chef du gouvernement d'apporter des correctifs à la démarche décidée par «les ministres du Président» sur de nombreux dossiers. La conséquence de cet état de fait est le blocage des réformes et une certaine gêne au sein même de l'équipe gouvernementale où une impression détestable d'un pouvoir bicéphale où «les ordres et les contre-ordres» sont devenus monnaie courante, notamment dans la gestion du dossier des privatisations. Aujourd'hui, la contradiction semble avoir pris des proportions telles que pour sortir du cercle vicieux, il faut trancher.