«La situation qui prévaut dans cette région dépasse le ministre de l'Intérieur.» Pour juguler la crise de Kabylie dont «la complexification» va crescendo, le parti d'Aït Ahmed propose un plan de paix global que Djoudi Mammeri, premier secrétaire général du parti nouvellement installé, résume en trois points : la libération inconditionnelle de tous les détenus d'opinion, un plan d'urgence économique pour la région et enfin assurer l'impartialité de l'administration. C'est ce que le responsable du parti a appelé «les mesures d'apaisement concrètes envers les citoyens». La direction du FFS considère que la satisfaction, dans un cadre global, de ces trois points constituera la première étape pour le règlement de la crise. Une fois la sérénité et le calme rétablis, la seconde phase sera le retour à une vie politique sereine dans la région. Pour Djoudi Mammeri, la libération des détenus sera un des signaux d'apaisement du pouvoir et un des signes de sa volonté réelle d'en finir avec cette situation. Le point étant contenu dans la plate-forme d'El-Kseur (libération des détenus), le premier secrétaire du parti n'y voit pas d'inconvénient: «On ne voit pas d'inconvénient à partager cette position aussi humaine à la seule différence qu'au FFS on n'est pas exclusivistes et rien n'est scellé et non négociable.» On retrouve ainsi le «oui, mais» propre au FFS? S'agit-il de détendre la relation avec les ârchs? Ou alors est-ce une façon de dire que la plate-forme d'El-Kseur est aujourd'hui dépassée par l'ampleur de la crise? Il semble qu'il s'agit de tout à la fois. C'est du moins ce qui ressort de l'attitude «attentiste» observée par la nouvelle direction. «Il y a tellement de confusion, de faux que face à un processus de métastase, le FFS fait dans la reconstruction cellulaire», déclare Karim Tabbou, secrétaire national chargé de la communication, faisant allusion à l'état de déliquescence de la situation politico-économique dans la région. Mammeri ajoute l'impératif de débloquer un budget spécial pour la relance économique en Kabylie. Une idée défendue, par ailleurs, par le directeur de L'Expression depuis plus d'une année. Dans une émission diffusée par l'Entv, Ahmed Fattani avait suggéré aux pouvoirs publics de dégager une enveloppe budgétaire d'un milliard de dollars pour la relance économique dans la région. L'activité économique en Kabylie a été réduite de plus de 50%, plusieurs entreprises privées étouffées par les impôts ont dû quitter la région et des commerçants ont été contraints de baisser rideau. Pour la troisième année consécutive, la saison estivale se trouve menacée par le fait de la situation d'émeutes et du calme précaire qui caractérisent toujours la Kabylie. A elle seule, la wilaya de Béjaïa a un manque à gagner qui s'élève déjà à des centaines de milliards et des complexes touristiques sont en passe de déposer le bilan. Dans ce cas aussi, la Kabylie a bénéficié, comme toutes les autres wilayas du pays, d'un plan de relance économique. Mais le premier secrétaire du FFS estime que la façon dont est dépensé cet argent s'apparente en tous points à une redistribution de la rente. «Cette relance économique est une distribution de richesse qui revient aux agents de prédation.» Le plan d'urgence spécial Kabylie pour lequel plaide le parti d'Aït Ahmed sera évidement «géré et utilisé à bon escient» par les élus locaux. Le FFS, qui a fait de sa participation aux élections communales, «une façon de barrer la route aux rentiers du pouvoir et aux aventuriers» se trouve lui-même confronté à une crise de légitimité de ses élus. Mammeri répond sur ce point: «Nous savons que la légitimité de nos élus est tronquée, mais c'est mieux qu'un administrateur désigné par un pouvoir corrupteur. Nos élus ont derrière eux le parti qui les contrôle.» La problématique se complique davantage quand il s'agira des élections partielles. La direction du FFS récuse la logique selon laquelle le parti va automatiquement participer à ces élections, puisque l'objectif étant de «barrer la route aux aventuriers». Bien plus, aucune éventualité n'est écartée, c'est-à-dire du boycott au retrait pur et simple des élus existants. «La situation n'est pas mécanique, nous sommes un parti politique qui analyse quotidiennement la situation et qui fait la lecture de l'histoire. Toutes les éventualités sont possibles. Nos élus exécutent une mission politique et rien n'écarte l'hypothèse de les interpeller comme l'a fait le parti lors des élections législatives du 30 mai dernier», a déclaré Tabbou. Et Mammeri de préciser: «Le retrait de nos élus n'a jamais été évoqué au niveau des instances du parti.» Le plan de paix proposé par le FFS se clôture par une condition sine qua non: l'impartialité de l'administration. Pour la direction du FFS, cette condition permettra de relancer le fonctionnement des institutions locales sur de bonnes bases. Estimant que la crise qui secoue la Kabylie dépasse de très loin le ministre de l'Intérieur, Mammeri a affirmé qu'il revient aux différents clans du pouvoir de s'entendre entre eux pour espérer une sortie du bourbier.