Toute la semaine le soleil a brillé, à la grande joie des vieux retraités qui ont pu sortir de l´enfermement où les avait condamnés le mauvais temps persistant. Toute la campagne environnante fume et l´optimisme est revenu sur les visages fanés et parcheminés des vieux nostalgiques: «Un temps idéal pour ramasser les olives!», s´est exclamé le vieux Louali qui essayait de relancer une conversation qui avait fini sur les prochains 5% d´augmentation des petites retraites. «Pourvu qu´on vive jusque-là!», avait dit Ammi Rabah qui se proposait une petite amélioration quotidienne: aller plus souvent chez le Tunisien pour avaler un beignet bien chaud avec un thé tiède. C´était le seul luxe qu´il pouvait se permettre! «Il y a une éternité que je n´ai pas participé à la cueillette des olives», se lamenta Si Louali. Les rhumatismes m´interdisent à tout jamais tout effort physique et mes enfants n´ont plus de contact avec la terre! C´est désespérant! Regarde! Le temps est idéal: aller ramasser les olives par un temps pareil équivaut à aller pique-niquer! Je l´avais fait souvent quand j´étais enfant avec mes parents: le vieux nous conduisait tôt le matin sur les coteaux où se trouvaient les vergers et il y avait tout un rituel: dès qu´il arrivait, il attachait l´âne à la haie qui bordait la propriété. Ma mère posait le viatique au pied de l´olivier et mon père, une fois débarrassé de son burnous, montait sur l´arbre pour cueillir ou gauler les olives, tandis que ma mère, avec sa persévérance coutumière, ramassait les fruits épars sur le sol caillouteux. Quant à moi, je commençais toujours à travailler sérieusement, mais cela devenait vite trop fastidieux pour moi, et je trouvais toujours un prétexte pour m´éclipser et aller poser des lacets dans le maquis. Je ne revenais que vers 10 heures quand mon père décidait que c´était l´heure de siroter un café et de rouler une cigarette. Ma mère, alors, étalait sa «fouta» et déballait la galette parfumée de grains d´anis. C´était un régal! Mais c´est la guerre qui a mis fin à tout cela: c´était devenu dangereux de sortir du village. D´ailleurs, la dernière fois qu´on y est allé, nous sommes tombés sur une patrouille dont on n´a aperçu que le dernier élément. Nous nous sommes cachés en attendant qu´elle s´éloigne. Et la peur s´est abattue très vite sur la région. Il faut se rendre à l´évidence que nos parents devaient être bien pauvres pour se donner tant de mal pour avoir quelques litres d´huile! Et il faut rendre hommage à ces femmes qui, par tous les temps, ramassaient, transportaient des corbeilles d´olives, des fagots de bois mort et rentraient à la maison pour s´occuper ensuite des tâches domestiques. Beaucoup ont renoncé à faire les récoltes durant la guerre: les militaires français dévastaient tout quand ils fouillaient les maisons. Et ils prenaient un malin plaisir à répandre céréales et huile pour affamer les «fellaghas» comme ils disaient: «C´est un temps qui ne reviendra pas!» soupira Si Louali.