On ne connaît la valeur d´une chose qu´une fois qu´on en a manqué ou qu´on en a été privé. Il est ainsi du pain, de la liberté, de l´amour, d´un être cher ou de l´eau...C´est justement ce dernier élément qui a pris une grande importance après près de trois décennies de sécheresse qui a accablé le nord du pays. Il peut sembler banal pour une ménagère ou un consommateur d´ouvrir un robinet pour que coule le précieux liquide à volonté. Sans effort perceptible, la plupart des ménages de nos grandes villes peuvent se servir à volonté de cet élément indispensable à la vie. D´ailleurs, n´est-ce pas le rêve de tous ces ruraux, des montagnes ou des campagnes, qui doivent suer sang et eau (sic) pour assurer à leur maisonnée les besoins en eau: creuser un puits n´est pas une mince affaire et tout le monde peut témoigner de ce calvaire quotidien des femmes et des fillettes des montagnes qui, leur cruche posée sur la tête ou accrochée sur le dos, font l´incessant va-et-vient entre la fontaine et le domicile au point que c´est devenu une carte postale et une partie de l´identité de certaines régions. Ne parlons pas des problèmes des zones arides ou désertiques... Cependant, il faut évaluer le chemin parcouru et les efforts déployés par les pouvoirs publics afin d´assurer à chacun une vie décente, car sans eau, la vie serait impossible: d´ailleurs toutes les civilisations sont nées le long des grands cours d´eau, au bord d´une étendue d´eau douce ou à proximité d´une source qui devient ainsi le point de toutes les attentions et de toutes les convoitises. Celui qui a vécu dans ces montagnes où l´eau, sans être rare, est cependant appréciée à sa juste valeur, peut vous dire le caractère sacré que revêt la fontaine, endroit convivial où se rencontrent toutes les femmes du village. Il faut voir les soins dont l´entoure la djemaâ du village pour lui assurer le respect nécessaire: tous les édits émis par les sages du village concernent en premier lieu cet endroit qui est le confluent de tous les intérêts. Ceux qui possèdent les jardins potagers veillent jalousement à leur droit d´irrigation: un horaire équitable est imparti à chaque famille qui possède un lopin de terre irrigable. Il est rare qu´un conflit éclate à propos de cela. S´il a eu lieu, c´était dans un temps lointain avant que les règles ne soient établies entre les voisins. En soixante ans de vie, le village n´avait vu qu´un conflit entre un berger et un propriétaire d´une source. Il y eut effusion de sang et tout le monde reconnut l´erreur du propriétaire, car il était passé dans les moeurs que seul «un infidèle» pouvait refuser de l´eau à un être vivant. L´eau étant reconnue comme un don de Dieu, et un élément vital, il était imposé aux hommes de la partager en bonne intelligence. Les Canadiens ont agi dans ce sens en refusant aux Américains l´accès au marché de l´eau, car les habitants du pays de la paix, estiment que l´eau ne peut être une marchandise. C´est ainsi que pensent la plupart des gens doués de raison. C´est pourquoi, en ces temps de raréfaction et de pénurie, il devient urgent d´en réglementer l´usage. Pourquoi permet-on aux citoyens de laver leurs voitures dans la rue avec de l´eau potable, une eau qui a subi des traitements coûteux à la communauté?