Un autre drame né d´un divorce mal ficelé car les enfants, eux... Mohamed S. a un peu plus de la cinquantaine. C´est un gaillard de plus de cent quatre-vingts centimètres, aux épaules larges, la moustache tombante et le costard tout neuf; témoin, l´étiquette qui pend encore sur une des poches de la veste, une veste assortie à la cravate à petits pois, une mode qui revient début 2010. Il est debout face à Ines Kouhil, la présidente de la section pénale du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger), Kouhil qui ne va pas perdre son temps allant droit au but: «Cela va faire une année et demie que vous ne vous êtes pas acquitté de la pension alimentaire de vos trois enfants.» «-Non madame. Moins. Seize mois, pas dix-huit...», rectifie l´inculpé de non-paiement de la pension alimentaire, un inculpé qui avait tout fait pour ne pas voir son ex-épouse, venue au tribunal pimpante sur son trente et un, prête à une joute où elle compte bien sortir vainqueur. «Il me doit vingt-cinq millions de centimes... -Vous, taisez-vous. Le tribunal est avec l´inculpé: attendez votre tour! Ici, ce n´est pas le marché, ni la foire!» tonne, presque exaspérée la juge qui revient sur Mohamed S. «Alors, dix-huit ou seize mois. Qu´avez-vous à dire sur cet énorme retard. -D´abord, ce ne sont pas trois enfants à qui je dois la pension alimentaire. Celle qui est âgée de vingt-quatre ans n´a pas le droit. Elle est majeure et je... - Arrêtez, arrêtez! Qui vous a dit ces inepties? - C´est ma mère. Elle est ici. Elle peut vous le confirmer et vous... - Votre mère? Elle est la loi? L´article de loi ne parle pas des mères et des grands-mères. Soyons sérieux. Vous êtes tenu de régulariser les filles jusqu´à leur mariage», précise Kouhil qui s´aperçoit que le «divorcé» est nul pour ce qui est de la connaissance des lois car il va encore enfoncer le clou en effectuant une sortie: - «Madame la présidente. Elle a demandé le divorce. Elle a gardé le logement d´où j´ai été éjecté avec violences par mes enfants remontés par leurs oncles maternels. -Restons, voulez-vous, dans la pension alimentaire», supplie presque la présidente qui a compris que l´inculpé qui n´a pas constitué d´avocat, est en train de traverser un désert sans eau, ni boussole. Elle va alors se permettre de fermer l´oeil et guider cet ignorant qui s´égare entre le statut personnel et le Code pénal. «Ecoutez, inculpé le tribunal prend en considération le fait que vous ne maîtrisez pas les lois. Alors, suivez bien, parce que, ici, nous n´avons pas l´habitude de nous répéter. Vous devez à vos enfants et votre ex-épouse, près de vingt-cinq millions de centimes. La pension alimentaire est obligatoire. Vous vous devez de vous acquitter de la somme due aux enfants, je le répète. Neuf mille dinars par mois à multiplier par seize, chez l´huissier, pour un compte conjoint avec votre ex et vous ajouterez les dommages de l´ex. - Elle a demandé le divorce. Elle a pris le logement, on ne m´a même pas donné ma carte nationale d´identité. On m´a battu. On m´a... - SVP inculpé! Taisez-vous, restons dans le délit qui vous a amené ici ce dimanche. Le tribunal refuse d´entrer dans des considérations autres que celles qui intéressent le dossier.» «C´est la faute à l´avocat qui a..., coupe la vieille maman de l´inculpé. - Hadja, taisez-vous. Vous n´avez rien à voir avec cette affaire. Sinon, sortez» ordonne la juge qui étouffe un sourire. - C´est elle qui a demandé le divorce. Elle travaille. Elle a le logement. Elle a gardé mes enfants qui me croisent dans la rue et tournent les yeux et détournent la tête pour ne pas que nos regards se croisent. C´est inhumain ce que, elle et ses frères me font endurer..., jette l´ex-époux, sans se rendre compte que Kouhil venait de renvoyer le couple cassé en mille morceaux chez l´huissier pour se mettre OK sur tout ce qu´il y a à payer. «Vous avez quinze jours. Et ne revenez qu´avec un accord commun. Sinon, le tribunal saura prendre ses responsabilités», conclut la présidente qui a presque oublié qu´elle avait renvoyé les débats car elle devait in extrémis redonner rendez-vous a Mohamed S. et à son ex qui avait lancé un regard sec et indifférent à l´ex-belle-mère une vieille qui entre dans sa quatre-vingtième année mais qui paraît en avoir vingt de moins de par sa grande taille et un visage avec seulement quatre rides, pas plus. Un visage marqué par un «masque», de voir son fils être humilié de la sorte: mis à la porte, divorcé par K.H., privé de ses enfants, privé de son logement, privé d´affection, privé de tout, en un mot, exécuté sans autre forme de procès car le procès présidé par Kouhil, lui aura servi à se plaindre en public.