A l´heure où j´écris ces modestes lignes, le match n´a pas encore commencé: le pays riche dont la population est pauvre va affronter le grand pays dont les citoyens ne se plaignent pas puisque la plupart d´entre eux ont planté leur drapeau dans leur jardin: les veinards! Eux au moins, ils ont, malgré les «subprimes», un petit jardin où planter leur drapeau étoilé! Beaucoup ici attendent que l´Aadl ou la Cnep ou le Père Noël veuillent bien leur donner les clés d´un petit paradis avec un petit balcon, juste assez grand pour contenir le drapeau national. Attention! Le match va bientôt commencer! Tous les espoirs d´une catégorie d´Algériens sont tournés vers ce petit écran magique ouvert sur l´extérieur et attendent le coeur oppressé, le premier miracle du siècle (après évidemment celui de la réalisation du tramway, du métro et de la liaison avec fibre optique Alger-Abuja-au fait à quand la prochaine liaison avec cette même fibre optique entre Alger et Bab Ezzouar?). C´est toujours la même catégorie de citoyens moyens nourris à la mamelle des valeurs nationales et des constantes qui ont engraissé une partie encore plus mince de petits malins qui ont su détourner à leur profit le fleuve d´abondance que la nature généreuse a mis à leur disposition sous forme d´un liquide visqueux et nauséabond qui rend beaucoup service à ceux-là mêmes qui vont affronter la glorieuse Equipe nationale qui porte haut les couleurs de tout un peuple, celle-là même qui a toujours cru aux contes à dormir debout qu´on lui chante depuis maintenant un demi-siècle. S´il est vrai que le Père Noël n´existe pas pour la plupart, ce sympathique vieil homme à la barbe blanche et au manteau rouge dont la hotte est toujours pleine de petits jouets pour les grands enfants que nous sommes, on est toujours prêts à croire qu´il fera mieux demain et, comme l´a déjà dit un ancien président, maintenant en retraite forcée, notre beau pays est un pays de miracles: il suffit de regarder que ce sont ceux qui ne suent pas qui se la coulent douce, qui mènent une vie de pacha dans des zones réservées, avec de luxueuses maisons réservées au bord de plages réservées, et qui risquent de mourir un jour, pris en charge grâce à l´argent du contribuable et tout cela grâce aux lois généreuses qui disent que tous les hommes naissent libres et égaux en droits...Enfin, ils mourront certes, mais sous d´autres cieux moins cléments,dans de larges cliniques spacieuses que d´autres auront construites...Bref, ici-bas, chacun selon son destin...Enfin, ils vivent loin du bruit et du tumulte d´une populace qui est prête à faire éclater sa joie si jamais le miracle se produisait. Déjà les premiers accords de l´hymne, qui donne encore la chair de poule aux gens sincères, retentissent et la grande masse de la population, celle qui ne fait pas des comptes d´apothicaire quand il s´agit du destin de toute une nation, retient son souffle. Et si le miracle se produisait? Si jamais David, grâce à deux petites feintes des successeurs de Madjer, arrivait à abattre le terrible Goliath? Quelle revanche! Ce sera une immense explosion de joie aux cinq points cardinaux (maintenant, avec la Chine dans le club des riches, il faut désormais compter comme eux et ajouter le Milieu comme cinquième point cardinal: le Milieu, ça nous connaît, on y est habitués. On serait désorientés sans). Il y aurait un grand défilé de joie à Alger comme à Tizi Ouzou, Tlemcen ou Annaba, les drapeaux seront mis en berne à Washington, Tel-Aviv et au Caire. Des défilés monstres à Ghaza, Baghdad - La Havane et Hanoï, dans les banlieues parisiennes comme à Marseille et même à Mogadiscio (il ya longtemps qu´on ne parle plus de ce pays-là: c´est normal: ils n´ont pas de pétrole et ils ne menacent pas Israël). Tout le monde retient son souffle: si on gagnait? Et après?